L’amplificateur linéaire intégré

L’amplificateur linéaire intégré à l’agrégation : les notions liées à ce composant électronique peuvent apparaître dans les épreuves suivantes :

  • Leçons : rétroaction, amplification.

  • MP44 : Amplification de signaux.

  • MP45 : Signal et bruit.

  • MP53 : Systèmes bouclés.

  • MP58 : Perturbation par la mesure.

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Fig. 27 Différents types d’amplificateurs linéaires intégrés (Source: Wikipedia).

L’amplificateur linéaire intégré (ALI) est un composant électronique de base extrêmement important. Il est utilisé dans de très nombreux circuits d’électronique analogique car il permet de réaliser de façon simple des fonctions linéaires et non-linéaires variées et performantes. C’est en amplificateur de différence de potentiel, réalisé à l’aide de quelques dizaines de transistors et d’éléments passifs reliés ensemble dans une configuration assez complexe. A titre d’exemple, la structure interne de l’ALI \(\mu\)A741 (un composant très répandu, notamment en TP) est reproduit en figure Fig. 28. Mais la recherche de l’amélioration des performances et une plus grande maîtrise de la technologie du silicium ont conduit à des circuits bien plus complexes que celui reproduit ci-dessous.

La performance des amplificateurs linéaires intégrés dépend principalement des transistors d’entrée (voir chapitre Composants semi-conducteurs), qui sont bipolaires pour le \(\mu\)A741 et à effet de champ pour le TL081, un autre modèle très répandu. Comme les qualités des transistors bipolaires sont moindres que celles des transistors à effet de champ, les défauts des amplificateurs linéaires intégrés sont plus aisés à mettre en évidence sur un \(\mu\)A741 que sur un TL081. C’est pourquoi pour les montages de base et ceux visant à mettre en évidence les défauts du composant on utilise plutôt le \(\mu\)A741, et le TL081 est réservé pour les montages performants [15].

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Fig. 28 Structure interne d’un amplificateur linéaire intégré 741 (source : adapté de Wikipedia).

Un amplificateur de différence de potentiel

Structure et fonctionnement

Dans ce cours on ne s’intéresse pas à la structure interne de ce composant. Il sera traité comme une boîte noire dont on connaît les caractéristiques entrée-sortie. Cette boîte noire comporte néanmoins 8 broches, décrites figure Tableau 6. Les broches 2 et 3 sont appelées entrées inverseuse et non-inverseuse (aussi notées \(-\) et +). La broche 6 fournit la tension de sortie du composant. L’ALI est un composant actif, donc il est alimenté par une source de tension continue externe, en général par une tension \(V_{cc}=+15\,\volt\) sur la broche 7 et \(-V_{cc}=-15\,\volt\) sur la broche 4. Les broches 1 et 5 servent à corriger de façon externe les petites tensions de décalage inévitables dues à la fabrication du composant (offsets d’environ \(10\,\milli\volt\)) [14]. La dernière broche (8) n’est pas connectée. Remarquons qu’il n’y a aucune borne prévue pour une masse éventuelle sur ce boîtier, mais la masse dans le circuit est imposée par la source d’alimentation.

Tableau 6 Gauche : diagrammes de Bode en amplitude pour un montage amplificateur de gain \(G=100\) (orange), 10 (vert), 1 (rouge) et pour l’ALI \(\mu\)A741 sans boucle de rétroaction (bleu). Droite : réponses temporelles indicielles normalisées en gain statique pour un montage amplificateur de gain \(G=100\) (orange), 10 (vert), 1 (rouge), en bleu l’échelon de tension \(e(t)\) normalisé.
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Un ALI est représenté en général par trois bornes seulement : les entrées inverseuse \(V_-\) et non-inverseuse \(V_+\), et la sortie \(V_s\). La source d’alimentation est donc implicite. Deux symboles coexistent pour représenter le modèle de l’ALI dans un circuit électrique (figure Tableau 6). Pour toute la suite du cours, on prendra les conventions de notation de la figure Fig. 29 pour décrire le fonctionnement de l’ALI.

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Fig. 29 Représentation symbolique d’un amplificateur linéaire intégré et sa paramétrisation électrique.

Propriété 1. Fondamentalement, l’amplificateur linéaire intégré est un amplificateur de différence alimenté en tension continue \(\pm V_{cc}\), dont la caractéristique entrée-sortie est :

\[\boxed{V_s = \mu_0 (V_+ - V_-) = \mu_0 \epsilon}\]

tant que \(\vert V_s \vert < V_{\rm sat} = V_{cc}\), sinon \(V_s = \text{signe}(\epsilon) \times V_{cc}\). Le gain \(\mu_0\) des ALI est extrêmement grand, de l’ordre de \(\mu_0 \approx 10^5\).

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Fig. 30 Gauche : montage comparateur simple de tension non inverseur. Droite : caractéristique du comparateur simple non inverseur.

Étudions le cas où on applique une tension entre les bornes inverseue et non inverseuse. Le montage et sa caractéristique sont représentés Figure Fig. 30. La sortie sature forcément à une valeur \(\pm V_{\rm sat}=\pm V_{cc}\) par le fait que la source d’énergie électrique externe nécessaire au fonctionnement de l’ALI ne peut fournir une puissance infinie. Le comparateur de tension est un exemple de montage simple fonctionnant en régime saturé [1]. Comme le gain \(\mu_0\) des ALI est de l’ordre de \(\mu_0 \approx 10^5\), la tension de sortie \(s\) ne dépend guère que du signe de la tension différentielle d’entrée \(\epsilon\) : la relation entre \(s\) et \(\epsilon\) est non-linéaire.

Parmi les applications possibles du comparateur simple, signalons la détection d’un niveau de tension de référence, et la transformation d’un signal analogique variable en un signal numérique à deux niveaux permettant son traitement logique. Mais les caractéristiques de commutation d’un comparateur à ALI sont médiocres, à cause de la vitesse de balayage limitée du composant à haute fréquence. Les limitations des ALI sont étudiées section Limitations.

Modèle idéal de l’amplificateur linéaire intégré

On cherche maintenant à faire fonctionner l’ALI dans son domaine linéaire, où la sortie dépend de la valeur des tensions d’entrées et prend une valeur comprise entre \(+ V_{\rm sat}\) et \(-V_{\rm sat}\). Pour éviter que la tension de sortie n’atteigne rapidement ses limites, on met en place une boucle de rétroaction entre la sortie et l’entrée inverseuse. Ainsi la tension de sortie peut venir contrebalancer la tension à l’entrée inverseuse et, si c’est bien fait, être stabilisée sur une tension comprise entre \(+ V_{\rm sat}\) et \(-V_{\rm sat}\). Dans ce cadre, on définit le modèle de l’ALI idéal.

Propriété 2. S'il existe une boucle de rétroaction entre la sortie et l'entrée inverseuse permettant un fonctionnement stable*, dans le modèle de l’ALI idéal on considère que:

  • \(\mu_0\) est infini donc \(\epsilon=V_+-V_-=0\);

  • son impédance d’entrée est infinie donc \(i_+=i_-=0\).

Le fait de demander que \(V_s\) soit fini entre \(+ V_{\rm sat}\) et \(-V_{\rm sat}\) avec un gain infini implique de supposer que \(\epsilon=V_+-V_-=0\). La condition de stabilité assurée par la rétroaction sur la borne inverseuse est admise dans ce chapitre, mais est détaillée au chapitre Oscillateurs.

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Fig. 31 Caractéristique entrée-sortie de l’ALI idéal. Lorsque \(\epsilon=0\), \(V_s\) est imposé uniquement par le reste du circuit.

La caractéristique entrée-sortie de l’ALI idéal est représentée figure Fig. 31. La tension de sortie \(V_s\) est donc comprise entre les valeurs \(V_{\mathrm{sat}}\) et \(-V_{\mathrm{sat}}\). On distingue donc deux régimes :

  • le régime linéaire pour lequel \(\epsilon=0\) et \(V_s\) est fixé par le reste du circuit dans la limite où \(-V_{\mathrm{sat}}< V_s < V_{\mathrm{sat}}\)

  • un régime non-linéaire pour lequel la tension de sortie \(V_s\) prend une des valeurs limites, \(+V_{\mathrm{sat}}\) pour \(\epsilon>0\) ou \(-V_{\mathrm{sat}}\) pour \(\epsilon<0\).

La valeur de \(V_s\) atteinte dans le régime linéaire va dépendre des composants auxquels l’ALI est branché. Notons que le modèle de l’ALI idéal ne dit rien sur le courant de sortie \(i_s\).

Montages de base

Dans cette section, l’amplificateur linéaire intégré idéal est inséré dans un circuit de façon à ce que la tension de sortie \(s\) soit une fonction linéaire de la tension d’entrée \(e\).

Montage suiveur

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Fig. 32 Montage suiveur.

Le montage suiveur est le montage le plus simple que l’on puisse imaginer avec une boucle de rétroaction entre la sortie et l’entrée inverseuse. Si applique la règle \(\epsilon=0\), on voit directement que \(s=e\). Il recopie fidèlement la tension d’entrée sur sa sortie si \(e\) est bien compris entre \(+ V_{\rm sat}\) et \(-V_{\rm sat}\). On a bien un comportement linéaire du montage car la tension de sortie est proportionnelle à la tension d’entrée.

Ce montage n’amplifie pas en tension, mais possède une très grande résistance d’entrée et une très faible résistance de sortie : c’est un montage adaptateur d’impédance. Le montage suiveur est très largement utilisé car il permet de mesurer ou de prélever une tension sans modifier le fonctionnement du circuit étudié, car il prélève très peu de courant. Dans une certaine mesure c’est aussi un montage amplificateur de puissance, dans le sens où la puissance appelée en entrée est quasiment nulle (\(i_+\approx 0\)) et la puissance en sortie est supérieure (mais rarement supérieure à environ \(100\,\milli\watt\)).

Montage amplificateur inverseur

Tableau 7 Gauche : montage amplificateur inverseur. Droite : montage amplificateur non inverseur.

Montage amplificateur inverseur

Montage amplificateur non inverseur

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Dans le montage amplificateur inverseur (figure Tableau 7), en régime linéaire on a \(V_-=V_+=0\). Comme \(i_-=0\), les résistances \(R_1\) et \(R_2\) sont parcourues par un même courant d’intensité \(i\) d’où :

\[i = \frac{e}{R_1} = -\frac{s}{R_2} \Rightarrow \frac{s}{e} = - \frac{R_2}{R_1}\]

Ce montage réalise une amplification de la tension d’entrée par un facteur négatif \(G = -R_2/R_1\) si \(R_2>R_1\). En revanche la tension de sortie du montage sature à \(s=\pm V_{\mathrm{sat}}\) si \(\left\vert G\times e\right\vert >V_{cc}\).

Montage amplificateur non inverseur

Le montage non inverseur est présenté figure Tableau 7. En régime linéaire, \(V_+ = V_- = e\). De plus, en considérant le courant d’intensité \(i\) parcourant les résistances \(R_1\) et \(R_2\), on a :

\[i = \frac{0-e}{R_1} = \frac{e-s}{R_2} \Rightarrow \frac{s}{e} = \frac{R_1+R_2}{R_1} = 1 + \frac{R_2}{R_1}\]

Ce montage réalise une amplification du signal d’entrée par un facteur positif \(G = 1+R_2/R_1\) quelque soit le choix des résistances.La tension de sortie du montage sature à \(s=\pm V_{\mathrm{sat}}\) si \(\left\vert Ge\right\vert >V_{cc}\).

Ce montage à l’avantage d’avoir une impédance d’entrée infinie vis à vis du signal d’entrée \(e\), alors que l’impédance d’entrée du montage amplificateur inverseur est bien plus faible et vaut \(R_1\). Suivant les cas d’utilisation, l’un ou l’autre montage est donc à préférer.

Le montage suiveur est un cas particulier de l’amplificateur sans inversion pour une résistance \(R_2\) nulle et une résistance \(R_1\) infinie (circuit ouvert).

Montage soustracteur

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Fig. 33 Montage soustracteur.

Le montage soustracteur (figure Fig. 33) peut être employé dans les boucles d’asservissement pour comparer une valeur de commande à la valeur atteinte par le système (voir chapitre Systèmes bouclés et asservissements). Pour décrire son fonctionnement, on voit que le potentiel \(V_+\) peut être obtenu par une formule de diviseur de tension car \(i_+=0\) :

\[V_+ = \frac{R}{2R} e_2 = \frac{e_2}{2}\]

Le potentiel \(V_-\) s’obtient aisément en reconnaissant aussi un diviseur de tension :

\[V_--s = \frac{R}{2R}(e_1-s) = \frac{e_1}{2} - \frac{s}{2}\]

Dans le modèle de l’ALI idéal, \(V_+=V_-\) donc on obtient :

\[s = e_2-e_1\]

Réalisation d’un dipôle à résistance négative

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Fig. 34 Réalisation d’une résistance négative à l’aide d’un ALI.

Étudions le circuit représenté figure Fig. 34. Nous supposons que l’amplificateur linéaire intégré est en régime linéaire. Ce n’est pas a priori évident du fait qu’il y a une rétroaction à la fois sur l’entrée inverseuse et l’entrée non-inverseuse, mais nous l’admettons et nous pouvons constater expérimentalement que c’est le cas. Comme \(i_-=0\), on a :

\[i = \frac{e-s}{R}\]

Sur la branche qui reboucle à l’entrée non-inverseuse, comme \(i_+=0\) on reconnait un diviseur de tension donc :

\[e = V_+ = \frac{R_p}{R+R_p} s\]

On en déduit :

\[R i = e - s = e - \frac{R_p+R}{R_p}e = -\frac{R}{R_p} e\]

Le dipôle vu entre les bornes A et B a donc une caractéristique courant-tension :

\[e = - R_p i\]

C’est donc une façon de réaliser une résistance négative. En pratique, pour obtenir la stricte égalité entre les résistances \(R\), l’une des deux résistances est variable.

Application aux filtres actifs

Montages de base

Une liste exhaustive et bien documentée de tous les filtres possibles peut être consultée dans la référence [16] et sur les deux sites web:

Montage amplificateur inverseur

Montage amplificateur non inverseur

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\(\displaystyle{\underline{H}(j\omega)= -\frac{R_2}{R_1}}\)

\(\displaystyle{\underline{H}(j\omega)= 1+\frac{R_2}{R_1}}\) si \(R_2=0\) et \(R_1=\infty\), le montage est suiveur

Montage passe-bas (pseudo-intégrateur)

Montage passe-haut (pseudo-dérivateur)

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\(\displaystyle{\underline{H}(j\omega)= -\frac{1}{1+jRC\omega}}\) fréquence de coupure \(\omega_c = 1/RC\)

\(\displaystyle{\underline{H}(j\omega)= -\frac{jRC\omega}{1+jRC\omega}}\) fréquence de coupure \(\omega_c = 1/RC\)

Montage passe-bande

Montage passe-tout déphaseur

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\(\displaystyle{\underline{H}(j\omega)= -\frac{jRC\omega}{1+2jRC\omega -(RC\omega)^2}}\) fréquence de résonance \(\omega_0\approx1/RC\)

\(\displaystyle{\underline{H}(j\omega)= \frac{1-jR_2C\omega}{1+jR_2C\omega}}\) \(\forall \omega,\ \vert\underline{H}(j\omega)\vert=1\)

Étude d’un filtre passe-bande actif: Sallen et Key

Nous venons de voir des montages à ALI réalisant des filtres d’ordre 1 ou 2. De manière générale, on peut synthétiser des filtres de tous ordres avec un ou plusieurs ALI. Nous allons étudier ici à titre d’exemple la structure de Sallen et Key à gain variable (figure Fig. 35), qui permet de fabriquer toute forme de fonction de transfert par un choix judicieux de composants autres que des inductances.

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Fig. 35 Cellule de Sallen et Key à gain variable.

Exprimons tout d’abord la tension \(V_2\) en fonction de \(s\) par le biais d’un pont diviseur de tension (rappel : \(V_+ = V_-\)):

\[V_2 = \frac{R_2}{R_1+R_2}s = \frac{s}{K}\]

Ensuite, déterminons l’expression de la tension \(V_1\) grâce au théorème de Millman en fonction des admittances (inverse des impédances) \(Y_i\):

\[V_1 = \frac{eY_1+sY_2+V_2Y_3}{Y_1+Y_2+Y_3}\]

Il est possible de connaître aussi l’expression de \(V_2\) en appliquant la formule du pont diviseur de tension entre les admittances \(Y_3\) et \(Y_4\):

\[V_2 = \frac{Y_3}{Y_3+Y_4}V_1\]

Il suffit ensuite de dérouler les calculs et on obtient la fonction de transfert:

\[\underline{H}(j\omega)= \frac{KY_3Y_1}{Y_3Y_2(1-K)+Y_1(Y_4+Y_3)+Y_4(Y_2+Y_3)}\]

Un passe-bande peut être obtenu en prenant les admittances suivantes:

  • \(Y_1 = Y_2 = 1/R\)

  • \(Y_3 = jC\omega\)

  • \(Y_4 = R\mathbin{\!/\mkern-5mu/\!}C\)

La fonction de transfert peut alors se mettre sous la forme:

\[\begin{split}\displaystyle\underline{H}(j\omega)= \frac{A_0}{1+jQ\left(\frac{\omega}{\omega_0}-\frac{\omega_0}{\omega}\right)}\quad \text{avec} \quad\left\lbrace\begin{array}{lll} A_0 & = &K/(5-K) \\ Q & = &\sqrt{2}/(5-K) \\ \omega_0 & = &\sqrt{2}/RC \end{array}\right.\end{split}\]

Dans le cas \(Q>1/\sqrt{2}\), il est possible d’obtenir une bande passante très étroite en choisissant \(K \lesssim 5\), impossible à obtenir par l’association de filtres du premier ordre.

Limitations

L’ALI réel est un composant dont les caractéristiques sont proches de celles d’un ALI idéal. Néanmoins il est bon de connaître certaines de ses limitations. Notons aussi que les caractéristiques de l’ALI réel dépendent du type d’ALI utilisé.

De manière générale, on peut représenter un ALI sous la forme d’un quadripôle qui réalise la transformation d’une tension d’entrée \(e\) en une tension de sortie \(s\). En régime sinusoïdal, ce quadripôle peut être décrit tel que sur la figure Fig. 36.

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Fig. 36 Modèle général d’un quadripôle d’amplification.

Vu de la tension d’entrée \(\underline{e}\equiv \underline{\epsilon}\), l’ALI est équivalent à une impédance d’entrée \(\underline{Z}_e\). Vu de la sortie, c’est un générateur de tension de f.e.m \(\underline{A} \underline{e}\) et d’impédance \(\underline{Z}_s\). \(\underline{A}\) est la fonction de transfert intrinsèque du quadripôle. En première approximation, cette fonction de transfert peut être modélisée par un simple gain en tension \(\mu_0\), infini dans le cadre du modèle idéal de l’ALI.

Propriété 3. Le modèle de l’amplificateur linéaire intégré idéal correspond à :

  • une fonction de transfert interne réelle indépendante de la fréquence \(\underline{A} = \mu_0 \rightarrow \infty\)

  • une impédance d’entrée \(\underline{Z}_e\rightarrow \infty\) (pour avoir \(i_+=i_-=0\))

  • une impédance de sortie nulle.

Ce système ne consomme pas de puissance en entrée et fournit la puissance demandée en sortie.

Note

Impédances d’entrée et sortie

Pour un quadripôle, la résistance d’entrée correspond au pouvoir du composant électronique à appeler du courant en amont du circuit. Au contraire la résistance de sortie correspond à sa capacité à fournir un courant quelque soit le circuit branché en aval. Si les impédances d’entrée et de sortie ont des parties imaginaires (capacitive ou inductive) alors le composant possède en plus un pouvoir de filtrage en régime sinusoïdal. En résumé, ce sont les impédances effectives vues par l’amont et l’aval du circuit.
Elles peuvent être calculés pour tout quadripôle, et mesurés. Pour le montage amplificateur inverseur, si on fournit un tension \(e\) aux bornes d’entrée du montage alors un courant \(i\) est appelée, imposé par \(R_1\) : \(e=R_1 i\). L’impédance d’entrée de ce montage est donc \(R_1\). L’impédance d’entrée du montage suiveur est donc infinie dans le cas d’un ALI idéal.

Ces propriétés générales d’un amplificateur idéal ne sont évidemment pas vérifiées en réalité. Concernant les amplificateurs linéaires intégrés, les principales limitations sont les suivantes.

Limitation en tension de sortie

La tension de sortie d’un ALI réel ne peut être supérieure à sa tension d’alimentation externe :

\[\vert \underline{s} \vert < V_{\mathrm{sat}}= V_{cc}\]

De plus le gain \(\mu_0\) n’est pas infini bien que de valeur très élevée.

Limitation en courant de sortie

Le courant de sortie d’un ALI réel est limité :

\[\vert i_s \vert < i_{\rm sat}\]

Pour le \(\mu\)A741, on a \(i_{\rm sat} \approx 10\,\milli\ampere\). Ceci impose de bien choisir la valeur des impédances branchées en sortie de l’amplificateur pour éviter d’atteindre le courant de saturation. Étudions plus précisément le montage inverseur à la lumière des deux premières limitations mentionnées (figure Fig. 37).

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Fig. 37 Gauche : Étude du montage amplificateur inverseur en charge. Droite : détail de la sortie de l’ALI.

On désire réaliser un amplificateur de gain \(\vert G\vert =R_2/R_1=10\), à l’aide d’un amplificateur linéaire intégré alimenté en \(\pm 15\,\volt\), alimentant une résistance de charge \(R_u\). La tension \(s\) est limitée par la tension d’alimentation à \(\pm 15\,\volt\), donc le circuit fonctionne dans le régime linéaire si \(\vert e\vert <1\,\volt\). La sortie de l’ALI voit deux résistances en parallèles \(R_2\) et \(R_u\) branchées au potentiel nul [2]. Le courant maximum en sortie de l’ALI impose des contraintes sur le choix des valeurs des résistances \(R_2\) et \(R_u\) de la façon suivante :

\[i_s^{\rm max} \approx \frac{15\,\volt}{R_2 \mathbin{\!/\mkern-5mu/\!}R_u} < i_{\rm sat} = 10\,\milli\ampere \Rightarrow R_2 \mathbin{\!/\mkern-5mu/\!}R_u > \frac{V_{\rm sat}}{i_{\rm sat}}=1.5\,\kilo\ohm\]
\[\Rightarrow R_2 > \frac{R_u \times V_{\mathrm{sat}}/i_{\rm sat}}{R_u - V_{\mathrm{sat}}/i_{\rm sat}} = \frac{1.5\,\kilo\ohm \times R_u}{R_u - 1.5\,\kilo\ohm}\]

En réalité, l’impédance de charge \(R_u\) est souvent imposée (système extérieur), mais on voit qu’un montage ALI inverseur ne peut alimenter une charge \(R_u < 1.5\,\kilo\ohm\) sans atteindre la saturation du courant de sortie [3]. Supposons que \(R_u = 3\,\kilo\ohm\), alors ceci impose une contrainte sur le choix de la résistance \(R_2\). Or comme on veut \(R_2/R_1=10\), la saturation en courant de sortie de l’ALI impose de choisir un couple \((R_1,R_2)\) judicieux (voir tableau tab:resistances_inverseur).

Tableau 8 Choix commentés des couples \((R_1,R_2)\) possibles pour le montage inverseur tel que \(R_2/R_1=10\) et tel que le courant en sortie de l’ALI ne sature pas, pour \(R_u=3\,\kilo\ohm\). Les fortes résistances sont déconseillées car elles sont sensibles aux parasites extérieurs.

\(R_2\)

\(R_1\)

Commentaires

\(3\,\kilo\ohm\)

\(300\,\ohm\)

Cas limite, et résistance \(R_1\) un peu faible.

\(10\,\kilo\ohm\)

\(1\,\kilo\ohm\)

Bon choix.

\(100\,\kilo\ohm\)

\(10\,\kilo\ohm\)

Bon choix.

\(1\,\mega\ohm\)

\(100\,\kilo\ohm\)

Résistance \(R_2\) trop élevée.

Résistances d’entrée et de sortie

Un amplificateur linéaire intégré réel possède une impédance d’entrée très élevée et une impédance de sortie très faible, toutes deux mesurables. La valeur de ces impédances dépend du choix de l’ALI. Des valeurs usuelles sont présentées dans le tableau tab:aop_reel. Notons qu’une conséquence de la valeur finie de la résistance d’entrée est que les courants d’entrée \(i_+\) et \(i_-\) ne sont pas nuls pour un composant réel, bien que très faibles (mais mesurables).

Vitesse de balayage

Jusqu’à présent nous n’avons pas parlé du comportement dynamique de l’amplificateur linéaire intégré. La modélisation fréquentielle de l’ALI en régime linéaire est abordée section Comportement fréquentiel. Mentionnons toutefois déjà que la vitesse de balayage de la tension en sortie de l’ALI est limitée, i.e. la dérivée temporelle de la tension de sortie ne peut être aussi rapide qu’on le souhaite. Ce phénomène, appelé slew rate, impose que :

\[\left\vert \frac{\mathrm{d}s}{\mathrm{d}t} \right\vert < \sigma \approx 1\,\volt/\micro\second\]

Cet effet non-linéaire se manifeste lorsqu’on travaille avec des tensions sinusoïdales de forte amplitude à haute fréquence, ou en utilisant l’ALI en comparateur de tension simple à haute fréquence (ce qui demande d’effectuer des commutations rapides entre \(+V_{\mathrm{sat}}\) et \(-V_{\mathrm{sat}}\)).

Tableau 9 Caractéristiques approximatives réelles des amplificateurs linéaires intégrés courants. Ces valeurs peuvent varier d’un composant à l’autre dans une même série.

Caractéristique

Idéal

\(\mu\)A741

TL081

Paramètres linéaires

Gain \(\mu_0\)

\(\infty\)

\(2\times 10^5\)

\(2\times 10^5\)

Résistance d’entrée \(R_e\)

\(\infty\)

\(2\times 10^6\,\ohm\)

\(10^{12}\,\ohm\)

Résistance de sortie \(R_s\)

\(0\,\ohm\)

\(100\,\ohm\)

\(100\,\ohm\)

Produit gain-bande

\(\infty\)

\(1\,\mega\hertz\)

\(4\,\mega\hertz\)

Courant de polarisation d’entrée \(I_p=(i_++i_-)/2\)

\(0\,\ampere\)

\(80\,\nano\ampere\)

\(30\,\pico\ampere\)

Tension de décalage (offset) \(V_d\)

\(0\,\volt\)

\(1\,\milli\volt\)

\(3\,\milli\volt\)

Paramètres non-linéaires

Tension maximum de sortie

\(V_{cc}\)

\(15\,\volt\)

\(15\,\volt\)

Courant maximum de sortie

\(\infty\)

\(10\,\milli\ampere\)

\(10\,\milli\ampere\)

Vitesse de balayage \(\sigma\)

\(\infty\)

\(0.5\,\volt/\micro\second\)

\(13\,\volt/\micro\second\)

Comportement fréquentiel

Modèle d’ordre 1

Dans le cadre du modèle idéal de l’ALI, la fonction de transfert du quadripôle modélisant un ALI peut être assimilée à un gain réel en première approximation. En seconde approximation, on peut modéliser ce quadripôle par un filtre passe-bas du premier ordre:

\[\underline{A}(j\omega) = \frac{\underline{s}}{\underline{\epsilon}} = \frac{\mu_0}{1+j\omega\tau}\]

avec \(\mu_0 \approx 10^5\) et une fréquence de coupure à \(-3\mathrm{dB}\) valant \(f_0\equiv 1/(2\pi\tau)\approx 10\,\hertz\). En régime temporel, cette fonction de transfert conduit à une équation différentielle du premier ordre :

\[\boxed{\tau \frac{\mathrm{d}s(t)}{\mathrm{d}t} + s(t) = \mu_0(V_+-V_-) = \mu_0 \epsilon}\]

dans le régime de fonctionnement linéaire de l’ALI (i.e. hors saturation en tension de sortie et à des fréquences suffisamment faibles pour éviter le slew rate).

Ce modèle se justifie très bien si on étudie la structure interne d’un ALI réel (figure Fig. 28). En effet, on voit que ce composant contient essentiellement des résistances et des transistors, mais un seul condensateur. Donc une modélisation par un filtre du premier ordre est suffisante pour décrire ce composant dans le régime fréquentiel [4].

Conservation du produit gain-bande

La bande passante de l’ALI définie par \(f<f_0 \approx 10\,\hertz\) n’est pas la bande passante du montage dans lequel il est inséré. Reprenons le montage de l’amplificateur non inverseur. On a montré que \(\underline{s} = G \underline{e}\) avec \(G=(R_2+R_1)/R_1\). Posons \(G = 1/\beta\). Alors :

\[\underline{V}_- = \underline{e}- \underline{\epsilon} = \frac{R_1}{R_1+R_2}\underline{s} = \beta \underline{s}\]

puis en utilisant le modèle fréquentiel du premier ordre :

\[\underline{s}\left( 1 + j\omega\tau\right) = \mu_0 \underline{\epsilon} \Leftrightarrow \underline{s}\left( 1 + j\omega\tau\right) = \mu_0 \left(\underline{e} - \beta \underline{s} \right)\]
\[\displaystyle\Rightarrow \underline{H}(j\omega)\equiv \frac{\underline{s}}{\underline{e}} = \frac{\mu_0}{1 + \mu_0\beta + j\omega\tau} = \left(\frac{\mu_0}{1+ \mu_0\beta}\right) \times \dfrac{1}{1+ \dfrac{j\omega\tau}{1+\mu_0\beta}}\]

Le gain du montage amplificateur \(\mu_0'\) et sa fréquence de coupure \(f_0'\) à \(-3\mathrm{dB}\) sont donc :

\[\begin{split}\begin{aligned} \mu_0' & = \frac{\mu_0}{1+ \mu_0\beta} \underset{\mu_0\to+\infty}{\longrightarrow} \frac{1}{\beta} = G \\ f_0' & = \frac{1}{2\pi \tau'} = \frac{1 + \mu_0 \beta}{2\pi \tau} = (1+\mu_0 \beta) f_0 \underset{\mu_0\to+\infty}{\longrightarrow} \infty\end{aligned}\end{split}\]

Les caractéristiques du montage amplificateur étudié dans le cadre du modèle de l’ALI idéal statique sont retrouvées par passage à la limite \(\mu_0 \to \infty\). De plus, on remarque qu’on a conservation du produit gain-bande quelque soit le choix du facteur d’amplification \(1/\beta\) :

\[\mu_0' f_0' = \mu_0 f_0\]

Autrement dit, plus le gain du montage est important, plus sa bande passante diminue (illustration figure Tableau 10). Dans le régime temporel cela veut dire que le système est plus lent. Cette propriété est générique aux systèmes bouclés du premier ordre avec une boucle de rétroaction négative de gain \(G=1/\beta\) (voir chapitre Systèmes bouclés et asservissements). Notons aussi que la bande passante \(f_0'\) du montage en contre-réaction est bien supérieure à la bande passante \(f_0\) du montage sans boucle de rétroaction, mais qu’à haute fréquence tous les diagrammes de Bode ont la même asymptote. Le constructeur ne donne d’ailleurs pas la fréquence \(f_0\) mais plutôt la valeur du produit gain-bande, donc la fréquence de coupure pour un gain unitaire (voir tableau tab:aop_reel et figure Tableau 10).

Tableau 10 Gauche : diagrammes de Bode en amplitude pour un montage amplificateur de gain \(G=100\) (orange), 10 (vert), 1 (rouge) et pour l’ALI \(\mu\)A741 sans boucle de rétroaction (bleu). Droite : réponses temporelles indicielles normalisées en gain statique pour un montage amplificateur de gain \(G=100\) (orange), 10 (vert), 1 (rouge), en bleu l’échelon de tension \(e(t)\) normalisé.
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Exercices (quelques solutions en annexe)

  1. Retrouver toutes les fonctions de transfert et tracer les diagrammes de Bode des fonctions électroniques représentées section Application aux filtres actifs.

  2. En reprenant la cellule de Sallen et Key, montrer que l’on obtient:

    1. un filtre passe-bas du second ordre avec \(Y_1=Y_3=1/R\) et \(Y_2=Y_4=jC\omega\)

    2. un filtre passe-haut du second ordre avec \(Y_2=Y_4=1/R\) et \(Y_1=Y_3=jC\omega\)

  3. Cellule de Rauch: déterminer la fonction de transfert de la structure suivante et monter que l’on obtient un filtre passe-bande pour les admittances \(Y_1=Y_4=Y_5=1/R\) et \(Y_2=Y_3=jC\omega\).
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