Électrocinétique
Les notions fondamentales de l’électrocinétique à l’agrégation : des notions particulières abordées dans ce chapitre peuvent apparaître dans les épreuves suivantes :
Leçons : induction électromagnétique (éventuellement pour la loi d’Ohm généralisée ou les bobines)
MP48 : Mesure de capacités.
MP49 : Capteurs à effets capacitifs.
MP50 : Mesure de coefficients d’induction.
MP51 : Phénomènes d’induction - applications.
MP56 : Régimes transitoires.
De l’électromagnétisme à l’électrocinétique
Définition 1. Les grandeurs fondamentales de l’électrocinétique sont :
la tension électrique \(u\), exprimée en Volts, définie par la circulation du champ électrique \(\vec{E}\) sur un chemin \(\Gamma\) :
\[u = \int_\Gamma \vec{E}\cdot \mathrm{d}\vec{l}\]l’intensité électrique \(i\), exprimée en Ampère, définie par le flux de densité volumique de courants \(\vec{j}\) traversant une surface \(\mathcal{S}\) :
\[i = \iint_\mathcal{S} \vec{j} \cdot \mathrm{d}\vec{S}\]la charge électrique \(q\), exprimée en Coulomb, définie par l’intégrale sur un volume \(\mathcal{V}\) de la densité volumique de charges \(\rho\) :
\[q = \iiint_\mathcal{V} \rho\, \mathrm{d}\tau\]le flux magnétique \(\Phi\), exprimé en Weber, défini par le flux de \(\vec{B}\) à travers une surface \(\mathcal{S}\) ou la circulation de \(\vec{A}\) le long du chemin fermé \(\Gamma\) défini par \(\mathcal{S}\) :
\[\Phi = \iint_\mathcal{S} \vec{B}\cdot \mathrm{d}\vec{S} = \oint_\Gamma \vec{A}\cdot \mathrm{d}\vec{l}.\]
Ces quatre grandeurs sont les images intégrales des champs locaux électromagnétiques fondamentaux \(\vec{E}\) et \(\vec{B}\) (ou des potentiels \(V\) et \(\vec{A}\)), et de leurs sources \(\rho\) (la densité volumique de charges) et \(\vec{j}\) (la densité volumique de courants). Mathématiquement, il existe six façons indépendantes de relier ces grandeurs deux à deux. Nous possédons déjà cinq relations en exploitant les lois fondamentales de l’électromagnétisme et de la conduction électrique. Dans l’ordre on retrouve :
la loi de Faraday \(e=-\mathrm{d}\Phi/\mathrm{d}t\)
la conservation de la charge électrique :
\[\mathrm{div}\ \vec{j} + \frac{\partial \rho}{\partial t} = 0 \Rightarrow 0 = \iiint_\mathcal{V} \mathrm{d}\tau \mathrm{div}\ \vec{j} + \frac{\mathrm{d}}{\mathrm{d}t} \iiint_\mathcal{V} \rho \mathrm{d}\tau = \oiint_\mathcal{\partial \mathcal{V}} \vec{j} \cdot \mathrm{d}\vec{S} + \frac{\mathrm{d}q}{\mathrm{d}t},\]la loi d’Ohm locale \(\vec{j}=\sigma_0 \vec{E}\)
l’électrostatique appliquée à deux plans chargés
la magnétostatique appliquée à un bobinage
Ces cinq lois originelles ne sont pour la plupart valides que dans le cadre de l’ARQS. Par conséquent toute l’électronique usuelle n’est valable que dans le cadre de l’ARQS aussi, i.e. pour des signaux dans un circuit électrique de taille \(\ell\) petite devant les longueurs d’onde \(\lambda\) en jeu [1] (taille \(\ell \ll \lambda = c/f\) avec \(c\) la vitesse de la lumière), et de fréquences \(f\) petites devant le temps de relaxation caractéristique de la conduction électrique dans les métaux \(1/\tau \approx 10^{14}\,\hertz\),.
On en déduit cinq relations linéaires simples entre les quatre quantités fondamentales. Deux des grandeurs sont les variations temporelles de grandeurs associées :
la tension est liée à une variation temporelle de flux magnétique : \(\mathrm{d}\Phi=-u\mathrm{d}t\)
l’intensité est une variation temporelle de charge : \(\mathrm{d}q = i \mathrm{d}t\).
Les trois autres relations sont des rapports de ces grandeurs et les composants fondamentaux de l’électronique vérifient, chacun, une de ces relations :
la résistance : \(\mathrm{d}u = R\times \mathrm{d}i\), avec \(R\) la résistance exprimée en Ohm;
le condensateur : \(\mathrm{d}q=C\times \mathrm{d}u\), avec \(C\) la capacité exprimée en Farad;
la bobine : \(\mathrm{d}\Phi = L \times \mathrm{d}i\), avec \(L\) l’inductance exprimée en Henry;
et la sixième relation doit être réalisée par :
le memristor : \(\mathrm{d}\Phi = M \times \mathrm{d}q\), avec \(M\) la memristance exprimée en Ohm.
Le fonctionnement des trois premiers composants est détaillé section Les dipôles électrocinétiques de base. On voit que ce sont bien les composants fondamentaux de l’électronique puisqu’ils relient deux à deux de façon simple (linéaire) les quatre grandeurs fondamentales de l’électronique. Ils réalisent donc les fonctions de base qui permettent les conversions fondamentales d’une grandeur à l’autre pour aboutir in fine à la création de fonctions électroniques complexes.
Note
Le cas du memristor
Le memristor est un des quatre composants fondamentaux de l’électronique. Il a été théorisé en 1971 seulement par Leon Chua et finalement créé en 2008 par les laboratoires HP. Le memristor, comme son nom l’indique, est une sorte de résistance variable dont la valeur faible ou forte peut représenter des bits 0 ou 1 et donc former une mémoire informatique. Les prototypes actuels promettent des densité de mémoire bien plus importantes qu’avec les technologies de mémoire flash à base de transistors au silicium. Son caractère passant ou bloquant permet aussi de l’assimiler à un transistor et de l’utiliser pour du calcul.
Plus précisément, un courant de contrôle peut permettre d’imprimer une valeur de résistance au memristor et de l’y figer. A chaque instant le memristor se comporte comme une résistance (loi d’Ohm), mais sa résistivité dépend de son histoire comme on peut le voir sur la caractéristique tension-courant ci-dessous (phénomène d’hystérésis).
Ce comportement n’est pas sans rappelé celui des synapses du cerveaux, qui sont d’autant plus passantes entre deux neurones qu’elles sont utilisées. C’est pourquoi ces composants trouvent des applications dans la création de réseau de neurones artificiels [8] mais aussi dans la conception de nouvelles puces où transistors et mémoires ne font plus qu’un.
Un circuit électrique est la combinaison des composants de base dans le but de réaliser une fonction précise. On appelle nœud une borne commune à plus de deux composants (exemple du point \(N_1\) figure Fig. 3). Une branche du circuit est une portion du circuit comprise entre deux nœuds consécutifs (par exemple \(N_1 N_3\)). Enfin une maille est l’ensemble des branches successives définissant un circuit fermé qui ne passe qu’une seule fois par les nœuds rencontrés (\(N_1 N_3 N_4 N_2\) par exemple).
Les circuits électriques peuvent être étudiés dans différents régimes. Dans le régime continu (DC) toutes les grandeurs électriques sont constantes. Le régime variable est un cas général où les grandeurs peuvent varier dans le temps, mais un régime plus intéressant à étudier est le régime sinusoïdal ou alternatif (AC). Dans ce cas les grandeurs électriques peuvent être décrites par des fonctions sinusoïdales du temps, ou des sommes de fonctions sinusoïdales.
Définition 2. On définit la valeur efficace (ou RMS en anglais) d’une grandeur électrique \(g(t)\) périodique de période \(T\) par :
Pour une grandeur purement sinusoïdale d’amplitude \(G_{\mathrm{max}}\), on a \(G_{\mathrm{eff}} = G_{\mathrm{max}}/\sqrt{2}\).
Propriétés générales des dipôles électrocinétiques
Tension et courant
Définition 3. On appelle dipôle électrocinétique un composant électrique comportant deux bornes, \(A\) et \(B\), l’une d’entrée et l’autre de sortie, comme sur la figure ci-dessous:
Le dipôle peut être parcouru par un courant électrique \(i\). On note \(u_{AB}\) la tension électrique entre les bornes \(A\) et \(B\) du dipôle \(D\) :
Cette définition du courant aux bornes d’un dipôle est subtilement différente de la différence de potentiels aux bornes de ce dipôle comme nous allons le voir section Loi des mailles.
Propriété 4. Le courant électrique \(i\) à l’entrée du dipôle est identique à celui en sortie.
Tout d’abord, pour un dipôle décrit par l’ARQS en limite magnétique, on a \(\mathrm{div}\ \vec{j}=0\). Considérons le tube de lignes de courant allant de \(A\) à \(B\) de volume \(\mathcal{V}\). On note \(\mathcal{S}_A\) et \(\mathcal{S}_B\) les surfaces orthogonales au tube en \(A\) et \(B\), et \(\Sigma\) la surface extérieure délimitée par les lignes de courant. Alors :
Le flux de courant à travers \(\Sigma\) est nul par définition du tube de lignes de courant. Si on oriente dans le même sens les deux surfaces \(\mathcal{S}_A\) et \(\mathcal{S}_B\), alors avec l’égalité précédente on obtient l’égalité des courants électriques en \(A\) et \(B\) :
Pour un dipôle décrit dans le cadre de l’ARQS électrique, la situation se complique. Néanmoins ce cas limite ne s’applique essentiellement qu’aux condensateurs. Soit \(\mathcal{V}\) un volume englobant la totalité d’un composant du type condensateur. Ces composants sont construits neutres électriquement et le restent globalement. Donc si on note \(\rho_+\) (\(\rho_-\)) la densité volumique de charges portée par l’armature chargée positivement (négativement), alors globalement on a :
à cause de la neutralité globale du dipôle (égalité des charges électriques totales \(Q_+=-Q_-\)). Donc de même \(i_A=i_B=i\) dans l’ARQS en limite électrique pour un dipôle demeurant globalement neutre. Ceci est faux si on ne considère qu’une seule des armatures dans \(\mathcal{V}\), car alors il y a un courant d’entrée mais aucun courant de sortie, et l’armature se charge électriquement.
La caractéristique tension-courant d’un dipôle est la fonction ou le graphique liant les variations de \(i\) en fonction de \(u_{AB}\). C’est véritablement ce qui caractérise le comportement du dipôle dans le circuit électrique : à chaque dipôle sa caractéristique.
Notion d’impédance
Définition 5. Un dipôle est dit linéaire lorsqu’il existe une relation affine entre \(i\) et \(u_{AB}\) ou une équation différentielle linéaire à coefficients constants reliant \(i\) et \(u_{AB}\).
La notion de système linéaire sera plus largement abordée au chapitre Filtres électroniques.
L’impédance électrique mesure l’opposition d’un dipôle électrique à la variation d’un courant électrique. Il est pratique d’utiliser les notations complexes pour les grandeurs électriques, généralement en les soulignant.
Définition 6. L’impédance complexe \(\underline{Z}\) d’un dipôle électrocinétique linéaire parcouru par un courant \(i\) sous une tension \(u_{AB}\) (en notation complexe) est définie par une généralisation de la loi d’Ohm :
avec \(\underline{i}\) et \(\underline{u}_{AB}\) les notations complexes associées à \(i\) et \(u_{AB}\). L’impédance s’exprime en Ohms. La quantité \(\underline{Y} = 1/ \underline{Z}\) est appelée admittance.
Étudions le régime sinusoïdal. Posons la tension \(u_{AB}(t) = U \cos( \omega t + \varphi_u)\) et le courant \(i(t) = I \cos( \omega t+\varphi_i)\) de pulsation \(\omega=2\pi f\) et de phases respectives \(\varphi_u\) et \(\varphi_i\). On choisit de définir les notations complexes \(\underline{u}_{AB}\) et \(\underline{i}\) par \(\underline{u}_{AB} = \Re(Ue^{j\omega t+\varphi_u})\) et \(\underline{i}=\Re(Ie^{j\omega t + \varphi_i})\). Alors le module de l’impédance donne le rapport des amplitudes de la tension et du courant tandis que l’argument donne le déphasage de l’un par rapport à l’autre :
Une impédance peut aussi être représentée comme la somme d’une partie réelle et d’une partie imaginaire :
avec la résistance \(R\) et la réactance \(X\). Une réactance positive sera qualifiée d’inductive tandis qu’une réactance négative sera qualifiée de capacitive. En électronique on note souvent les courants par la lettre \(i\) pour intensité, et par conséquent on préfère noter le nombre imaginaire avec la lettre \(j\) tel que \(j^2=-1\).
Notion de puissance
En électrocinétique on utilise la convention algébrique thermodynamique [9]. En thermodynamique, il est d’usage de compter positivement l’énergie reçue par le système d’étude, négativement l’énergie cédée par le système au milieu extérieur. Une convention algébrique d’orientation des tensions et courants permet d’être en accord avec la convention thermodynamique. Comme il n’est pas commode de schématiser des grandeurs négatives par des flèches, il faut trouver une convention d’orientation des flèches où, en considérant que les quantités \(u_{AB\) et \(i\) sont positives, on puisse en déduire que le dipôle reçoit de l’énergie ou en cède.
Soit un élément infinitésimal \(\mathrm{d}\tau\) du volume \(\mathcal{V}\) du dipôle avec des faces élémentaires \(\mathrm{d}\vec{S}=\mathrm{d}S \vec{n}_S\) alignées selon des lignes de champs \(\vec{E}\) et une troisième dimension \(\mathrm{d}\vec{l} = \mathrm{d}l \vec{n}_l\) alignée selon les lignes de courant (donc \(\mathrm{d}\tau = \mathrm{d}\vec{l} \cdot \mathrm{d}\vec{S}\)) (voir figure Fig. 4). La puissance volumique fournie par un champ électromagnétique à des porteurs de charge s’écrit :
par le travail de la force de Lorentz. En permutant les facteurs scalaires, on obtient :
Avant de passer à l’intégrale le long d’une ligne de champ d’un point \(A\) à un point \(B\), notons que \(\vec{j}\) est de divergence nulle dans l’ARQS (au moins à l’échelle globale du dipôle) donc \(i\) ne dépend pas de la position \(\mathrm{d}l\) le long d’une ligne de champ. Ainsi, l’intégrale se factorise :
avec la flèche représentant \(i\) dans le même sens que \(\vec j\) et la flèche représentant \(u_{AB}\) dans le sens inverse de \(\vec E\) par définition.
Or, pour un conducteur ohmique, on a \(\vec j = \sigma_0 \vec{E}\) avec \(\sigma_0\) la conductivité du conducteur (grandeur positive). Donc \(\mathrm{d}\mathcal{P} > 0\) et ainsi on a \(\mathcal{P} > 0\) avec \(\vec{j}\) et \(\vec{E}\) de même sens et donc les flèches représentant \(i\) et \(u_{AB}\) tête-bêche par définition. La convention graphique représentant un dipôle électrique avec des flèches pour courant et tension de sens opposées est donc celle d’un composant recevant de l’énergie (si \(i\) et \(u_{AB}\) sont positifs encore une fois).
En considérant les quantités portées par les flèches positives, on définit deux conventions pratiques pour schématiser les dipôles selon qu’ils reçoivent ou cèdent de l’énergie.
Définition 7. Pour un dipôle \(D\) quelconque connecté à un circuit extérieur, courant d’intensité \(i\) et tension \(u_{AB}\) sont dits orientés en convention récepteur si les flèches qui les représentent sont tête-bêche. Dans cette représentation, nous pouvons distinguer alors deux types de dipôles électrocinétiques :
dipôle récepteur : le dipôle reçoit de l’énergie électrique et la convertit en une autre forme d’énergie (chaleur, énergie magnétique, énergie mécanique...)
\[\mathcal{P}= u_{AB} i>0\text{ {si} } u_{AB}>0,i>0 \text{ {ou} }u_{AB}<0,i<0\]dipôle générateur : le dipôle cède de l’énergie électrique au circuit en convertissant une autre forme d’énergie (énergie chimique, énergie mécanique...)
\[\mathcal{P}= u_{AB} i<0\text{ {si} } u_{AB}>0,i<0 \text{ {ou} }u_{AB}<0,i>0\]
Pour ce dernier, il est alors plus commode d’utiliser la convention générateur avec les flèches de même sens, afin que les quantités portées par les flèches soient considérées positives, mais sous-entendant une puissance négative. Par énergie électrique, on sous-entend l’énergie mécanique des porteurs de charges.
Expressions de la puissance :
la puissance instantanée reçue par un dipôle est :
Considérons maintenant des signaux périodiques. Aux bornes d’une impédance linéaire \(\underline{Z}\), on peut simplifier l’étude à l’une des composantes de Fourier de ces signaux, de pulsation \(\omega\). La puissance moyenne reçue par le dipôle est alors :
Le terme \(\cos\varphi\) est appelé facteur de puissance. Si on écrit l’impédance comme \(\underline{Z}= R + j X\), alors on a :
D’où la puissance moyenne :
C’est la partie réelle de l’impédance qui intervient dans la puissance reçue par le dipôle [2].
Dipôles actifs ou passifs :
un dipôle passif, toujours récepteur, est incapable de provoquer lui-même le passage d’un courant. Plus mathématiquement, un dipôle passif présente une caractéristique tension-courant passant par l’origine (\(i=0\) pour \(u_{AB}=0\)), un dipôle actif non. Un dipôle actif, capable d’imposer le sens du courant, se comporte comme un générateur. Ainsi si la caractéristique tension-courant présente un point \(u_{AB}(i=0) \neq 0\), cela signifie que le dipôle est capable d’imposer une tension électrique à ses bornes sans qu’il soit traversé par un courant [3]. Inversement, si la caractéristique tension-courant présente un point \(i(u_{AB}=0) \neq 0\), cela signifie que le dipôle est capable d’imposer un courant électrique sans qu’il soit alimenté par une tension électrique.
Définition 8. Un dipôle actif linéaire possède une caractéristique tension-courant affine ne passant pas par l’origine. On peut donc distinguer trois cas pour décrire les dipôles actifs linéaires :
\(\forall\, i,\;u_{AB}=\text{constante}\) : le dipôle est une source de tension idéale
\(\forall\,u_{AB},\;i=\text{constante}\) : le dipôle est une source de courant idéale
les cas intermédiaires : ce sont des sources de courant/tension réelles
Pour qu’un circuit électronique fonctionne, il faut en général disposer d’une source de tension ou de courant (figure 3). Une source de tension idéale désigne un dispositif capable de générer une force électromotrice \(e\), indépendante du courant électrique \(i\) débité. Elle peut être une pile, un générateur électromécanique, une alimentation stabilisée ou ajustable... Une source de courant idéale peut produire un courant électrique constant \(i_S\) pour une plage de tension donnée (par exemple le transistor). Les sources idéales sont représentées symboliquement dans un circuit électrique comme dans la figure 3, et les sources réelles peuvent être modélisées par l’adjonction d’une résistance [4] \(r\) en série (faible pour une source de tension) ou en parallèle (forte pour une source de courant).
Propriété 9. D’après la figure Fig. 5, les caractéristiques tension-courant des sources de tension ou de courant réelles sont alors :
Ces caractéristiques représentent le même dipôle si \(i_S = e/r\). Dans ce cas l’une ou l’autre représentation peut être choisie pour modéliser le dipôle en fonction du circuit extérieur qui lui est connecté.
Théorèmes généraux
Loi des nœuds
Théorème 10 (Loi des nœuds). Soient \(n\) conducteurs reliés à un nœud commun \(N\), chacun parcouru par un courant \(i_k(t)\). La loi de Kirchhoff relative au nœud \(N\) donne :
La loi des nœuds s’applique à un nœud du circuit et concerne les courants. On rappelle que dans un métal conducteur on applique l’ARQS en limite magnétique ou métallique donc on a \(\mathrm{div}\ \vec{j} = 0\). La loi des nœuds découle de cette vision locale venant de l’électromagnétisme pour un système de conducteurs filaires liés en un point, et ceci fixe les conditions de validité de cette loi (ARQS).
Loi des mailles
Théorème 11 (Loi des mailles). Soient \(n\) conducteurs formant une maille orientée arbitrairement dont chaque branche est soumise à une tension \(u_k(t)\). La loi de Kirchhoff relative à cette maille donne :
Quelles sont les conditions de validité de cette loi ? Une petite subtilité électromagnétique s’invite ici. Dans le cas statique, la loi des mailles se retrouve en calculant la circulation de \(\vec{E}\) sur un circuit fermé \(\Gamma\) :
Seulement, en régime variable le champ électrique s’écrit de façon générale :
donc la loi des mailles telle que présentée ci-dessus ne serait pas valide dans le cas non stationnaire, ni même dans l’ARQS en limite magnétique. En effet, si on calcule la circulation dans une maille on obtient une loi légèrement différente.
Théorème 12 (Loi des mailles et flux). Soient \(n\) conducteurs formant une maille orientée arbitrairement dont chaque branche est soumise à une tension \(u_k(t)\). La loi de Kirchhoff relative à cette maille donne :
et \(\Phi\) le flux à travers la maille orientée.
Bien entendu, dans la quasi-totalité des circuits électriques réalisés, le terme de flux est nul. Mais en toute rigueur il est présent et peut conduire à des situations perturbantes si on le cherche (voir encadré).
On rappelle que le terme \(\partial \vec{A}/ \partial t\) est à l’origine du phénomène d’induction, qui dans le cadre de l’ARQS magnétique permet d’aboutir à la loi d’Ohm généralisée :
pour une branche \(AB\) de résistance \(R_{AB}\) parcourue par un courant \(i_{A\rightarrow B}\). Le phénomène d’induction est synthétisé dans la tension \(e_{AB}\) appelée force électromotrice [5] (f.e.m) :
La référence [10] propose alors de distinguer tension et différence de potentiel en définissant la tension électrique par :
Une version de la loi des mailles plus générale est donc la suivante.
Théorème 13 (Loi des mailles généralisée). Soient \(n\) dipôles d’impédance \(\underline{Z}_k\) parcourus par des courants \(\underline{i}_k(t)\) et formant une maille orientée arbitrairement. Chaque branche est soumise éventuellement à une force électromotrice \(\underline{e}_k(t)\). Dans cette maille, on a :
Note
Une expérience troublante... mais que mesure un voltmètre ?
Une expérience proposée dans les références [11, 12] est la suivante (réalisable en TP) : un circuit avec deux résistances entoure une zone où le champ magnétique est non nul et dépend du temps. En-dehors de la zone grisée, le champ magnétique est quasi nul. Qu’indiquent les deux voltmètres supposés parfaits ?
Tout d’abord les lois de l’induction donnent :
Un voltmètre mesure la tension entre ses bornes donc la circulation du champ \(\vec{E\) entre les points de mesure [12]. La tension mesurée sur la voie A est :
car \(\dot{\phi}=0\) sur \(MA_+A_-NR_1M\). Utiliser le chemin passant par \(R_2\) donne le même résultat. La tension mesurée sur la voie B est :
Utiliser le chemin passant par \(R_2\) donne le même résultat. On a donc \(u_A \neq u_B\) et même \(u_A=-u_B\) si \(R_2=R_1\), alors que les deux voltmètres sont branchés aux mêmes points ! On voit ici que la circulation du champ \(\vec{E\) dans les fils de mesure compte. Cette interprétation de la tension mesurée aux bornes d’un voltmètre revient à dire qu’un voltmètre mesure la différence de potentiel à ses bornes et non aux points de mesures du circuit [11]:
En effet d’après la loi d’Ohm généralisée :
Autrement dit, l’identification de la tension électrique avec la différence de potentiel électrique n’est pas toujours exacte à cause du terme \(\partial \vec{A}/\partial t\), mais en pratique cette définition fonctionne lors de la mesure par les voltmètres.
Bien entendu les trois énoncés ci-dessus sont justes si on comptabilise exhaustivement toutes les tensions dans la maille. Mais une démonstration rigoureuse de la loi des mailles par les lois de l’électromagnétisme mène d’abord à la loi des mailles généralisée et fait apparaître la nécessité de se placer dans l’ARQS. Cette loi peut être ensuite transformée en la première version en comptabilisant correctement les tensions, les dipôles et surtout les f.e.m. induites dans le schéma du circuit électrique étudié.
Si on fait abstraction de ces subtilités électromagnétiques, on obtient évidemment qu’une tension électrique s’écrit couramment comme une différence de potentiel :
avec \(A\) à la pointe de la flèche représentant la tension, et \(B\) à l’opposé, et la loi de maille revient à sommer les différences de potentiel sur une maille.
De la loi des mailles, on en déduit que des impédances associées en série s’ajoutent. De la loi des nœuds, on en déduit que ce sont les admittances qui s’ajoutent:
Note
Retour sur l’expérience troublante
Théorème de Millman
Le théorème de Millmann est une variante de la loi des nœuds où l’on exprime le potentiel du nœud étudié. En utilisant les notations de la figure Fig. 7, exprimons la loi des nœuds au point \(A\) :
Donc en utilisant la notion d’admittance on obtient :
Théorème 14 (Théorème de Millmann). Le potentiel électrique en un point \(A\) est le barycentre des potentiels des nœuds voisins pondérés par les admittances :
Ce théorème peut servir à simplifier massivement le calcul du potentiel électrique à un nœud du circuit rejoint par plusieurs branches. En pratique, il est très utile lorsqu’il est appliqué aux bornes d’entrée d’un amplificateur opérationnel car on cherche souvent à y connaître la valeur des potentiels [6].
Note
Le pont diviseur de tension
Le pont diviseur de tension est une configuration très classique dans les schémas électriques. Savoir la reconnaître et appliquer directement la formule associée raccourcit efficacement les calculs, surtout en sachant associer les impédances en série et en parallèle.
Soient deux impédances \(\underline{Z}_1\) et \(\underline{Z}_2\) associées en série et soumises à une tension \(\underline{e}\). La tension \(\underline{s}\) aux bornes de \(\underline{Z}_2\) est alors :
Attention ! Le calcul n’est plus valable si un nœud entre les deux impédances capte une partie du courant de la maille, i.e. si une impédance de charge est branchée derrière le pont diviseur de tension.
Théorèmes de Thévenin et de Norton
Les théorèmes de Thévenin et de Norton sont issus du principe de superposition, valable pour des systèmes linéaires : dans un système linéaire la conséquence est la combinaison linéaire des causes. Autrement dit, dans un réseau dont tous les éléments sont linéaires, l’intensité qui circule dans un dipôle est la somme algébrique des intensités créées dans ce dipôle par chaque générateur du circuit pris séparément (les autres générateurs étant alors remplacés par leurs résistances internes).
Théorème 15 (Théorème de Thévenin). Tout circuit linéaire vu de deux points est équivalent à un générateur de tension parfait, en série avec une impédance \(\underline{Z}_{\rm Th}\). La force électromotrice du générateur équivalent \(e_{\rm Th}\) est égale à la différence de potentiels à vide entre ces deux points. L’impédance équivalente \(\underline{Z}_{\rm Th}\) est égale à celle que l’on mesure entre les deux points lorsque tous les générateurs indépendants sont rendus passifs.
Théorème 16 (Théorème de Norton). Tout circuit linéaire vu de deux points est équivalent à une source de courant idéale, en parallèle avec une impédance \(\underline{Z}_{\rm Nor}\).
Les théorèmes de Thévenin et de Norton s’appliquent à des systèmes linéaires (ou linéarisés), en régime continu ou sinusoïdal permanent (en utilisant alors les impédances). Prenons l’exemple du pont diviseur de tension (voir figure Fig. 8). La tension \(e_{\rm Th\) est la tension en circuit ouvert (\(i=0\)) vue entre les bornes noires:cite:bib:horowitz donc :
Pour déterminer l’impédance \(\underline{Z}_{\rm Th}\), il faut imaginer ce qui se passerait si on branchait le générateur équivalent à quelque chose, par exemple un simple fil entre les deux bornes noires ou un ampèremètre (court-circuit). Le courant obtenu en court-circuitant les bornes étudiées est \(i=\underline{e}_{\rm Th}/\underline{Z}_{\rm Th}\), et dans le cas du pont diviseur de tension ce serait :
Une autre façon de calculer \(\underline{Z}_{\rm Th}\) est de suivre le théorème et de rendre passif tous les générateurs de tension idéaux donc ici \(\underline{e}=0\). L’impédance équivalente entre les deux bornes noires est celle de deux impédances en parallèle. Comme \(\underline{Z}_{\rm Th}\) est en général élevée dans un diviseur de tension, ce montage est une mauvaise source de tension, dans la mesure où sa tension de sortie \(\underline{e}_{\rm Th} - \underline{Z}_{\rm Th} i\) s’effondre rapidement si une charge connectée au générateur de Thévenin équivalent appelle beaucoup de courant.
Dans la figure Fig. 9 est présentée une autre façon d’appliquer concrètement ce théorème, en utilisant les équivalents générateurs tension/courant. L’objectif de cet exemple est d’étudier comment est vue la source de tension entre les deux points noirs par la résistance de charge de \(4\,\kilo\ohm\). On rappelle que la f.e.m. \(e\) d’un générateur de Thévenin est lié au courant \(i_S\) de son équivalent de Norton par \(i_S = e/r\) où \(r\) est la résistance interne du générateur.
Note
Notion d’adaptation d’impédance
En électronique, l’adaptation d’impédance consiste à trouver le bonne combinaison d’impédances entre une impédance de charge \(\underline{Z}_c\) et une source de tension réelle \(\left\lbrace \underline{e}, \underline{Z}_g\right\rbrace\) afin de maximiser soit le rendement du montage, soit la puissance fournie à l’impédance de charge. Cependant, en général on n’a pas la main sur l’impédance de la source de tension \(\underline{Z}_g\). Si on se réfère à la figure ci-dessus, le rapport des tensions est égale à:
Après décomposition des impédances complexes en résistance \(R\) et réactance \(X\), on en déduit la puissance consommée par la charge \(P_c\) et le rendement \(\eta\):
Selon les ordres de grandeur relatifs des impédances, différents cas sont possibles:
\(\eta\) |
\(P_c\) |
|
---|---|---|
\(\left\vert \underline{Z}_c \right\vert \gg \left\vert \underline{Z}_g \right\vert\) |
\(100\%\) |
\(\rightarrow 0\) |
\(\underline{Z}_c \approx \underline{Z}_g^*\) |
\(50\%\) |
\(P_{c}^{\mathrm{max}} = e^2 / 4R_c\) |
\(\left\vert \underline{Z}_c \right\vert \ll \left\vert \underline{Z}_g \right\vert\) |
\(0\%\) |
\(\rightarrow 0\) |
Le maximum de puissance transmise à la charge est donc atteint si \(\underline{Z}_c \approx \underline{Z}_g^*\). Comme souvent on n’a pas la main sur l’impédance interne du générateur, éventuellement l’accordement des deux impédances peut-être réalisé par la mise en place d’impédances supplémentaires à l’alimentation.
Masse et terre
Définition 17. La masse désigne la partie conductrice d’un circuit électrique dont le potentiel servira de référence pour toutes les mesures de tensions électriques. Par commodité on lui attribue souvent le potentiel \(0\,\volt\).
Il s’agit donc a priori d’un choix arbitraire réalisé par un individu lorsqu’il souhaite chiffrer les tensions dans un schéma électrique. Par exemple, sur un vélo dont les phares sont alimentés par une dynamo, pour économiser un fil de retour de courant c’est le cadre métallique qui est choisi pour jouer le rôle de masse. Le rôle de la dynamo est alors de générer une différence de potentiel entre le cadre et un fil électrique. Dans les voitures, c’est aussi parfois la carrosserie métallique qui sert de masse au circuit électrique, et donc de référence pour toutes les tensions électriques nécessaires au fonctionnement de la voiture. Pour les trains à traction électrique, c’est le rail, relié à la Terre, qui sert de masse et de retour de courant alors que la caténaire est à un potentiel électrique plus élevé (en tension continue).
Pour des raisons de solidité ou d’isolation électromagnétique, beaucoup d’appareils électriques possèdent une carcasse métallique. Dans le cadre de la protection des personnes et des équipements (risque d’électrocution et d’incendie), ceci présente un danger si chacun définit sa référence de potentiel sans se préoccuper du contexte dans lequel l’appareil est utilisé : l’arbitraire de ce choix est normé pour des raisons de sécurité. En terme légal, selon le décret 88-1056 du 14 novembre 1988, la définition de la masse est :
"Masse : partie conductrice d’un matériel électrique susceptible d’être touchée par une personne, qui n’est pas normalement sous tension mais peut le devenir en cas de défaut d’isolement des parties actives de ce matériel."
Si nous touchons une partie métallique dont le potentiel électrique est différent de celui de la Terre, un courant traverse notre corps, qui est conducteur, vers la Terre, via nos pieds [7]. Si la différence de potentiel est forte, ce courant peut causer des dommages importants (un courant de \(30\,\milli\ampere\) à travers le corps peut être mortel [8]). Pour tout appareil électrique, il n’est pas impossible que sa carcasse métallique soit accidentellement en contact avec une partie du circuit électrique interne et se trouve à un potentiel très différent de celui de la Terre, d’où un danger d’électrocution lié à l’utilisation d’appareils électriques reliés au secteur. La définition légale de la masse impose donc que le fonctionnement normal de l’appareil fasse en sorte que la masse soit au même potentiel que la Terre. La liberté de pouvoir choisir un potentiel électrique de référence est acquise grâce à l’invariance de jauge de l’électromagnétisme. Les députés peuvent en profiter et définir la terre en terme électrique ainsi :
"Terre : masse conductrice de la terre, dont le potentiel électrique en chaque point est considéré comme égal à zéro."
toujours selon le décret 88-1056 du 14 novembre 1988. Il découle de cette définition que le potentiel \(0\,\volt\) est celui de la Terre et que la terre est un conducteur parfait de résistance nulle. Les symboles représentant la masse et la terre dans un circuit électrique sont représentés figure Tableau 3. Stricto sensus ce sont donc deux choses différentes, mais en pratique la masse d’un appareil peut être au potentiel de la terre pour des raisons de sécurité.
Cas pratique des TPs : Les oscilloscopes et générateurs basse fréquence (GBF) sont des appareils de précision qu’il faut isoler des bruits électromagnétiques extérieurs. C’est pourquoi ils disposent d’une carcasse métallique (qui absorbe les signaux extérieurs par effet de peau), qu’il est alors obligatoire de relier à la prise de terre par sécurité. De même l’extérieur des câbles coaxiaux est blindé par de la tresse métallique pour éviter de capter le bruit extérieur, mais ce blindage n’est efficace que s’il est au même potentiel que l’appareil auquel le câble est branché. Sur un oscilloscope les bornes extérieurs des prises BNC sont donc reliées entre elles via la carcasse de l’appareil, donc à la terre (figure Fig. 10).
En pratique, une fois ces appareils branchés au secteur en TP, cela implique que leurs masses et les gaines des câbles coaxiaux sont toutes reliées entre elles par l’intermédiaire de la terre, avant même d’avoir commencé à manipuler : le choix d’un autre potentiel de référence n’est pas possible, une masse commune est imposée. Si jamais il est nécessaire de s’affranchir de cela, il faut utiliser un transformateur d’isolement ou des appareils à masse flottante, avec énormément de précautions.
Les dipôles électrocinétiques de base
Toute impédance linéaire et passive peut se décrire comme une combinaison linéaire des trois impédances élémentaires suivantes.
La résistance
Propriété 18. La résistance (ou conducteur ohmique, ou résistor) est le plus simple des dipôles linéaires. Soumis à une tension \(u(t)\) et parcouru par un courant \(i(t)\), ce composant satisfait directement à la loi d’Ohm :
avec \(R\) la résistance du dipôle, exprimée en Ohms \(\Omega\).
Au niveau fondamental, la résistance se calcule à partir de la loi d’Ohm locale en ARQS :
pour un conducteur cylindrique de section \(\mathcal{S}\) et de longueur \(\ell\). De cette formule, on en déduit que des résistances en série s’ajoutent (addition des longueurs \(\ell\)) alors que pour des résistances en parallèle les inverses s’ajoutent (addition des sections \(\mathcal{S}\)) :
La puissance reçue par une résistance \(R\) est :
Le passage d’un courant dans une résistance se manifeste par un échauffement du composant, c’est l’effet Joule.
En pratique, on trouve des résistances allant de \(0.01\,\ohm\) à \(10^{12}\,\ohm\), avec des puissances admissibles standard allant de \(1/8\,\watt\) à \(250\,\watt\) et une tolérance (écart maximale à la valeur nominale) de \(0.005\%\) à \(20\%\) [14, 15]. Les valeurs nominales et les tolérances sont indiquées sur les composants à l’aide d’un code couleur (figure Fig. 12). Les résistances sont omniprésentes dans les montage électroniques. Elles peuvent être faites d’un agglomérat de carbone (mince couche de carbone déposée sur un bâtonnet de céramique), de couches métalliques, de fil bobiné sur un mandrin [9]. Le modèle le plus répandu est de loin la résistance en carbone aggloméré de \(1/4\,\watt\) ou \(1/2\,\watt\), de \(1\,\ohm\) à \(100\,\mega\ohm\) à \(5\%\) ou \(10\%\).
Les résistances sont si souvent utilisées qu’elles sont considérées comme parfaites, mais elles ne le sont pas. Tout d’abord les composants standard ne sont pas stables en précision (variations de la résistance avec la température, l’humidité). Des phénomènes inductifs et capacitifs peuvent apparaitre à haute fréquence, surtout pour les résistances de valeur élevée (voir [15] [p. 33] pour plus de détails). La modélisation d’une résistance réelle est le circuit représenté figure Fig. 13.
A noter aussi qu’il existe des résistances variables appelées potentiomètres qui sont en fait des sorte de ponts diviseurs de tension réglables intégrés.
Le condensateur
Propriété 19. Un condensateur est constitué de deux armatures qui se font face et qui portent des charges opposées \(+q\) et \(-q\). Pour un condensateur idéal, la charge \(q(t)\) est proportionnelle à la tension \(u_c(t)\) appliquée entre les armatures :
avec \(C\) la capacité du condensateur exprimée en Farads \(\farad\).
En ARQS en limite électrique, cette formule se démontre à l’aide de Maxwell-Gauss. En effet, entre deux armatures planes chargées le champ électrique vaut \(\vec{E}= -q/(\epsilon_0\epsilon_r \mathcal{S} \vec{u}_{-\rightarrow +})\) avec \(\mathcal{S}\) la section des armatures et \(\vec{u}_{-\rightarrow +}\) le vecteur unitaire dirigée de l’armature chargée \(-q\) à l’armature chargée \(+q\). D’où la relation entre tension et charge avec la capacité :
où \(\ell\) est l’espacement entre les armatures et \(\epsilon_r\) est la permittivité diélectrique relative du milieu séparant les armatures. Ainsi on voit que des condensateurs en parallèle s’additionnent (addition des sections \(\mathcal{S}\)) alors que pour des condensateurs en série ce sont les inverses qui s’ajoutent (addition des espacements \(e\)) :
Ces relations se retrouvent aussi en étudiant la relation courant-tension pour un condensateur :
avec \(i = \mathrm{d}q/ \mathrm{d}t\). En adoptant la convention \(X(t) = \Re(\underline{X}e^{+j\omega t})\), alors l’impédance d’un condensateur se déduit de la dernière relation par [10] :
Une capacité est donc aussi homogène à des \(\ohm^{-1} \second\).
La puissance instantanée reçue par un condensateur est :
d’où l’énergie emmagasinée dans le composant :
Un condensateur idéal ne dissipe pas de puissance car le courant est déphasé de \(\pi/2\) par rapport à la tension. De plus l’énergie est une grandeur continue en physique (car sinon la puissance lors d’une discontinuité est infinie), donc la tension aux bornes d’un condensateur est une grandeur continue aussi.
En série avec une résistance \(R\) et un générateur idéal de tension continu \(E\), la tension \(u_c(t)\) aux bornes d’un condensateur obéit à une équation différentielle du premier ordre, illustrant la charge ou la décharge du condensateur :
faisant apparaitre une constante de temps caractéristique \(\tau = RC\). La solution est de la forme :
avec \(A\) dépendant des conditions initiales. La réponse à un signal carré \(E(t)\) de période suffisamment longue devant \(\tau\) est présentée figure Fig. 15. Supposons qu’à \(t<0\) on a \(u_c(t)=0\), alors comme un condensateur assure la continuité de la tension à ses bornes, on a \(A=-E\) pour un condensateur en charge.
Les condensateurs peuvent servir à stabiliser une alimentation électrique (se décharge lors des chutes de tension, se charge lors des pics de tension), traiter des signaux périodiques (filtrage), séparer le courant alternatif du courant continu ou stocker de l’énergie. En pratique un condensateur est construit en plaquant un matériau conducteur sur un matériau isolant diélectrique (du papier, un film plastique...). Par exemple on peut enrouler deux feuilles d’aluminium séparées par des films de polyester sur elles-mêmes afin de former un condensateur cylindrique. D’autres types répandus sont les disques en céramique (les feuilles métalliques alternent avec des feuilles d’oxydes isolants) ou électrolytiques [11]. Chacun de ces types à des propriétés particulières (précision, stabilité en température, courants de fuite, plages de fréquence, durée de vie) [14, 15].
Le matériau diélectrique peut n’être pas parfaitement isolant et un faible courant (de fuite) peut s’y établir. On modélise ce courant de fuite par une résistance (élevée) en parallèle du condensateur. De plus à haute fréquence des pertes dans le diélectrique et des effets inductifs apparaissent, modélisées par une résistance et une impédance en série avec le condensateur. Dit autrement, la capacité d’un condensateur diminue à haute fréquence. Le circuit électrique modélisant un condensateur réel dans une large bande de fréquence est représenté figure Fig. 16.
La bobine
Propriété 20. Une bobine (ou inductance) est constituée de spires obtenues par enroulement d’un fil métallique (cuivre). Au cœur de la bobine on peut avoir de l’air ou bien un matériau de perméabilité magnétique relative \(\mu_r\). La tension \(u_L(t)\) aux bornes d’une bobine idéale est proportionnelle à la dérivée du courant \(i(t)\) qui la traverse :
avec \(L\) l’inductance de la bobine, exprimée en Henry \(\henry\).
Le fonctionnement d’une bobine idéale se décrit dans l’ARQS en limite magnétique par un enroulement de longueur finie \(\ell\) mais en négligeant les effets de bord. Le théorème d’Ampère appliqué à ce cylindrique de section \(\mathcal{S}\) parcouru par un courant \(i\) donne un champ magnétique interne \(B = \mu_0 \mu_r N i / \ell\). D’où un flux total \(\Phi = \mu_0 \mu_r N^2 i\mathcal{S} / \ell\) et la tension aux bornes de la bobine :
en convention récepteur. De cette loi de comportement on en déduit la valeur de l’impédance associée :
Une inductance est donc aussi homogène à des \(\ohm/\second\).
De la formule Eq.14, on en déduit que des inductances en série s’ajoutent (addition du flux) alors que pour des inductances en parallèle les inverses s’ajoutent (division du courant) :
La puissance instantanée reçue par une inductance est :
d’où l’énergie emmagasinée dans le composant :
Une bobine idéale ne dissipe pas de puissance car le courant est déphasé de \(\pi/2\) par rapport à la tension. De plus l’énergie est une grandeur continue, donc l’intensité traversant une inductance est une grandeur continue aussi.
En série avec une résistance \(R\) et un générateur idéal de tension continu \(E\), l’intensité \(i(t)\) traversant une inductance idéale obéit à une équation différentielle du premier ordre, illustrant le stockage et le déstockage d’énergie magnétique à l’intérieur de la bobine :
faisant apparaitre une constante de temps caractéristique \(\tau = L/R\). La solution est de la forme :
avec \(A\) dépendant des conditions initiales. La réponse à un signal carré \(E(t)\) de période suffisamment longue devant \(\tau\) est présentée figure Fig. 18. Supposons qu’à \(t<0\) on a \(i(t)=0\), alors comme une inductance assure la continuité du courant la traversant, on a \(A=-E/R\). La tension \(u_L(t)\) s’en déduit par la dérivée de la solution \(i(t)\).
Les bobines linéaires sont réalisées par enroulement de fil conducteur an cuivre sans support ou sur un support non magnétique (verre, bakélite moulé, polystyrène,...) mais sont de faible inductance (de l’ordre du \(\milli\henry\)). Les bobines non-linéaires utilisent des noyaux magnétiques généralement en ferrite (oxyde de fer). A géométrie identique, ces bobines ont des inductances multipliées par des facteurs de l’ordre de \(10^4\) par rapport à leurs homologues linéaires. La valeur de \(L\) n’est alors constante que pour des intensités faibles (i.e. loin de la saturation du noyau magnétique) [15]. Dans le modèle de l’inductance idéale on a négligé la résistance interne du fil conducteur. De plus, à haute fréquence, des effets capacitifs apparaissent entre les spires du bobinage, qui peuvent devenir dominants sur l’effet inducteur. Une inductance linéaire plus réaliste est représentée figure Fig. 19.
Le circuit \(RLC\) série
Impossible de passer à côté de l’étude du \(RLC\) série, alimenté par une source de tension continue \(E\). Ce système est régi par une équation différentielle du second ordre :
où \(q(t)\) est la charge du condensateur.
Propriété 21. Le circuit \(RLC\) série est caractérisé par deux grandeurs :
sa pulsation propre \(\omega_0 = 1/\sqrt{LC}\)
son facteur de qualité \(Q = L\omega_0/R = 1/RC\omega_0\)
ou son facteur d’amortissement \(\xi = 1/2Q\).
L’équation différentielle régissant le comportement du système est alors :
L’équation caractéristique associée à cette équation différentielle est :
de discriminant :
Trois cas peuvent alors se présenter :
\(\Delta>0 \Leftrightarrow Q < 1/2\) : régime apériodique. Les deux racines sont réelles et négatives et la solution est du type exponentielle amortie.
\(\Delta=0 \Leftrightarrow Q = 1/2\) : régime critique. La solution est encore du type exponentielle amortie avec le temps caractéristique \(\tau = 1/\omega_0\) le plus court possible.
\(\Delta<0 \Leftrightarrow Q > 1/2\) : régime pseudo-périodique. Les deux racines sont complexes et conjuguées, de parties réelles négatives. Les solutions sont oscillantes à la pulsation [12] \(\sqrt{-\Delta}\) et exponentiellement amorties en un temps \(\tau = 2Q/\omega_0\).
Les trois régimes sont représentés figure Fig. 20 lorsque \(E(t)\) prend la forme d’un échelon de tension.
Remarquons que l’équation différentielle Eq.15 multipliée par le courant \(i(t)\) permet de faire le bilan énergétique du système :
avec \(i = \mathrm{d}q / \mathrm{d}t\).
Autres composants
Il existe une quantité d’autres composants en électronique. Tout d’abord parmi les composants dipolaires on peut mentionner les diodes (de redressement, Zener, électroluminescente – voir chapitre Composants semi-conducteurs), les ampoules, les moteurs (voir cours moteur), les interrupteurs, etc. Si on sort de la catégorie des dipôles, on a les transistors (voir chapitre Composants semi-conducteurs), les amplificateurs linéaires intégrés (voir chapitre L’amplificateur linéaire intégré), les puces électroniques, etc.
Un composant très commun que l’on oublie souvent : le câble coaxial. Lui aussi possède des propriétés particulières qu’il est bon de connaître. Tout d’abord il est constitué d’une âme centrale conductrice (souvent un simple fil métallique) enrobé par un matériau diélectrique isolant, le tout entouré d’une tresse conductrice et d’une gaine isolante. Sa forme permet de ne produire aucune onde électromagnétique vers l’extérieur (théorème d’Ampère), et son blindage de ne pas capter de parasite extérieur. Le blindage joue par ailleurs le rôle de masse [13]. Il est donc idéal pour la transmission de signaux numériques ou analogiques, avec une impédance en général de \(50\,\ohm\). On le retrouve sur les paillasses de TP mais aussi pour la transmission de la télévision ou d’Internet.
Note
Banane ou BNC ?
On les oublie souvent, mais les câbles constituent des éléments très importants d’un circuit électrique. En TP, on en distingue couramment deux types: les câbles coaxiaux avec des connecteurs BNC (Bayonet Neill–Concelman) et les câbles à fiches bananes. Les câbles coaxiaux contiennent deux conducteurs, l’âme et la gaine, et sont plutôt adaptées aux signaux alternatifs de faible puissance, à la métrologie.
Les câbles électriques simples sont réalisés avec un seul conducteur, souvent du cuivre, parfois monobrins parfois multibrins. Leur section est normalisée de façon à respecter des normes d’ampérage lorsqu’ils sont soumis à \(230\,\volt\): des sections inférieures à \(1.5\,\milli\meter^2\) pour des courants inférieurs à \(16\,\ampere\), \(6\,\milli\meter^2\) pour moins de \(32\,\ampere\), etc. La section est donc proportionnelle à la puissance qu’on veut y faire passer car inversement proportionnelle à la résistance du fil. Les fiches bananes permettent des branchements rapides (car sans vis), solides (à cause de la languette en métal qui agit comme un ressort dans la prise femelle), et sécurisées (bien branchée, aucune partie métallique ne dépasse).
Note
Analogie hydraulique
Toute l’électrocinétique peut se comprendre à l’aide d’une analogie avec les circuits hydrauliques. Le courant hydraulique joue le rôle du courant électrique, circulant dans des tuyaux analogues des fils électriques. La tension est représentée par les différences de pression, la masse par un immense réservoir de niveau constant à la pression atmosphérique, le générateur par une pompe.
La résistance peut être modélisée par un tuyau de section faible, ou bien "bouché" par du sable (la porosité du sable étant reliée à la conductivité). L’inductance est représentée par une roue à inertie mise en mouvement par un moulin. Enfin le condensateur est plus délicat : un piston à deux réservoirs avec ressorts. Mentionnons aussi la diode qui est peut être modélisée par un clapet anti-retour, et l’interrupteur par une vanne.
Si cela vous intéresse, jetez un œil à ce document qui propose de réaliser des analogies de circuits \(RC\) et \(RL\) en régime continu ou alternatif à l’aide de composants hydrauliques : https://blogues.csdessommets.qc.ca/sciencesnicolas/files/2015/03/electricite-et-analogie-hydraulique.pdf (mémoire de J.F. Pochon) ou ici https://culturesciencesphysique.ens-lyon.fr/ressource/Analogie-composant-elec-hydro-RC.xml
Exercices (quelques solutions en annexe)
Refaire les circuits RC, RL et RLC. En particulier pour ce dernier étudier les résonances en tension et intensité.
Pont de Wheaststone : le dipôle \(D\) est un détecteur (galvanomètre, ampèremètre...) de résistance \(r_D\) inséré dans un montage à quatre impédances (figure Fig. 22). Calculer le courant qui le traverse \(i_D\) en fonction des données du problème et déterminer la condition pour avoir \(i_D=0\) . On dit alors que le pont est équilibré.
Déterminer les caractéristiques des deux dipôles suivants (figure Fig. 23). Sont-ils actifs ou passifs ?
Déterminer les générateurs de Thévenin équivalents des circuits figure
fig:dipoles_thevenin_exo
entre les bornes A et B.