Filtres électroniques
L’objectif de ce chapitre est de présenter les notions fondamentales associées aux fonctions de transfert (hypothèses, définition, modes de représentation). Ces notions sont utiles dès qu’il s’agit d’étudier le comportement de n’importe quel système physique (mécanique, électronique,...), en particulier dans le régime harmonique. En fin de chapitre, l’accent sera toutefois mis sur les filtres électroniques tant ils apparaissent dans de nombreuses expériences de physique.
La notion de filtrage à l’agrégation : ce chapitre peut concerner les épreuves suivantes :
Leçons : traitement d’un signal, étude spectrale, phénomènes de résonance.
MP45 : Signal et bruit.
MP48 : Mesure de capacités.
MP53 : Systèmes bouclés.
MP54 : Résonances.
MP55 : Modes propres.
Notion de filtre linéaire
Système linéaire et permanent
Nous considérons ici un système physique comprenant des grandeurs d’entrée (ou de commande) et de sortie. Ces notions restent ici très générales, ainsi:
dans un circuit électrique, les grandeurs d’entrée et de sortie peuvent être des intensités de courant dans certaines branches ou des tensions;
dans un moteur électrique, la grandeur d’entrée peut être le courant circulant dans l’enroulement, celle de sortie sa vitesse ou son couple.
Le système physique étudié sera donc considéré comme un opérateur qui, à un signal d’entrée \(e(t)\) associe un signal de sortie \(s(t)\). Parmi les opérateurs rencontrés en pratique, on peut distinguer le sous-ensemble constitué des opérateurs linéaires.
Définition 1. Soit un système \(S\) donné, nous noterons \(e_1(t)\) et \(e_2(t)\) deux signaux d’entrée quelconques et \(s_1(t)\) et \(s_2(t)\) les signaux de sortie correspondants. Si la réponse de \(S\) à la sollicitation \(e(t)=\lambda e_1(t)+\mu e_2(t)\) est \(\lambda s_1(t) + \mu s_2(t)\), quels que soient les coefficients \(\lambda\) et \(\mu\), alors le système est dit linéaire mathématiquement. Conséquence directe: avec un système linéaire on peut appliquer le principe de superposition.
Un système dont les caractéristiques ne varient pas au cours du temps est dit permanent ou stationnaire: une translation dans le temps (retard ou avance) sur la grandeur d’entrée se traduit par une translation identique de la grandeur de sortie.
Définition 2. Pour un système permanent, si \(s_1(t)\) est la réponse à la sollicitation \(e_1(t)\), alors quel que soit \(\tau\), \(s_2(t)=s_1(t-\tau)\) est la réponse à \(e_2(t)=e_1(t-\tau)\).
Cette stationnarité est caractéristique des systèmes physiques ayant atteint des conditions de fonctionnement stables. Elle assure la reproductibilité des expériences dans le temps.
De nombreux systèmes physiques (et électroniques) sont régis par des équations différentielles de la forme:
où les coefficients \(a_i\) et \(b_j\) sont constants. Un tel système est linéaire mathématiquement grâce à la linéarité de l’opérateur dérivation.
Définition 3. Un opérateur régi par une équation différentielle linéaire à coefficients constants est un système linéaire permanent.
Enfin, les systèmes physiques doivent respecter la notion de causalité. L’effet ne peut pas précéder la cause. Donc la sortie \(s(t)\) à la date \(t\) ne peut dépendre que des valeurs de l’entrée \(e(t')\) aux dates \(t' \leqslant t\). Un système vérifiant cette propriété est dit causal.
Définition 4. Le système linéaire d’entrée \(e(t)\) et de sortie \(s(t)\) décrit par l’équation différentielle Eq.16 est (strictement) causal si \(m\) est (strictement) inférieur à \(n\).
Les raisons profondes et mathématiques qui sous-tendent cette propriété sont abordées dans un encadré section Utilité des transformées de Laplace.
Note
Contre-exemples
Un opérateur non linéaire courant en électronique est réalisé par le multiplieur, qui réalise le produit de deux signaux d’entrées \(e_1(t)\) et \(e_2(t)\):
\[s(t) = k e_1(t) e_2(t)\]avec \(k\) une constante qui lui est propre.
Une variation avec la température des composants d’un montage électronique peut être responsable d’une non-stationnarité si, dans les conditions de fonctionnement, la température est amenée à varier.
L’opérateur "retard pur" associant \(s(t)=e(t-\tau)\) est un opérateur linéaire et permanent si \(\tau\) est une constante mais n’est pas régi par l’équation Eq.16.
Régime harmonique
En électronique, on utilise très souvent des signaux périodiques (sinusoïdaux, triangles,...). Dès lors, la décomposition en série de Fourier du signal d’entrée est permise. Pour un signal \(v(t)\) périodique de période \(T\) (pulsation \(\omega = 2\pi / T\)), la série de Fourier s’écrit:
avec les coefficients donnés par les intégrales:
Propriété 5. La réponse d’un système linéaire et permanent à une entrée sinusoïdale de pulsation \(\omega\) est un signal de même pulsation, quelle que soit l’amplitude du signal d’entrée. Inversement, tout système excité par un signal sinusoïdal dont la sortie n’est pas une fonction sinusoïdale du temps ou un signal sinusoïdal de pulsation différente est non-linéaire.
On peut également mettre en évidence l’amplitude \(V_n\) et la phase \(\varphi_n\) de chaque terme de pulsation \(n\omega\) en utilisant l’égalité:
avec:
L’ensemble des coefficients \(V_n\) permet de représenter le spectre du signal \(v(t)\), celui affiché par la fonction Fast Fourier Transform (FFT) d’un oscilloscope (voir chapitre Electronique numérique).
Note
Taux de distorsion harmonique
La non-linéarité d’un système peut être décrite par l’analyse spectrale de sa réponse à une entrée sinusoïdale. Un exemple de la vie courante illustre ces aspects: on peut en effet apprécier la qualité d’une chaîne de reproduction du son en examinant sa distorsion. Pour ce faire, on applique à l’entrée un signal sinusoïdal (note pure) de fréquence et d’amplitude variables et on examine le signal de sortie. On appelle taux de Distorsion Harmonique Total (DHT), exprimé en décibel, le rapport entre la puissance des termes harmoniques et celle du signal total:
Dans le cas d’un système parfaitement linéaire, le taux tend vers \(-\infty\). Le taux DHT peut être mis en évidence de façon qualitative ou quantitative dans la réalisation du circuit push-pull: les non-linéarités des transistors déforment le signal d’entrée du signal que l’on désire amplifier.
Mais il est clair qu’un système physique ne peut être soumis à un signal d’entrée quel qu’il soit qu’à partir d’une date initiale que l’on choisit en général comme origine des temps: les signaux d’entrée sont dits causaux s’ils sont nuls pour \(t<0\). Posons la fonction échelon unité \(u(t)\) définie par:
En théorie, on peut donc seulement étudier la réponse d’un système à l’entrée \(e(t)=u(t)E\cos\omega t\) et non à l’entrée \(e(t)=E\cos\omega t\), car stricto sensus un signal sinusoïdal n’a ni début ni fin: il dure de \(t\rightarrow-\infty\) à \(t\rightarrow+\infty\).
Propriété 6. Un signal sinusoïdal est non physique.
Que signifie alors réponse harmonique, ou réponse en régime sinusoïdal d’un système linéaire ? Si l’équation différentielle régissant le système est linéaire, la solution exacte (obéissant aux conditions initiales vérifiées par le système) peut se décomposer en une somme de deux termes:
un terme solution générale de l’équation sans second membre dite solution pour le système en régime libre (sans excitation à l’entrée),
un terme solution particulière de l’équation complète.
Dans le cas des systèmes linéaires stables(voir chapitre Oscillateurs), la solution en régime libre est nécessairement amortie (transitoire), c’est-à-dire qu’elle tend à s’annuler quand \(t\rightarrow +\infty\).
Définition 7. La réponse en régime sinusoïdal (ou réponse harmonique) est la réponse à une fonction du type \(e(t)=u(t)E\cos\omega t\) lorsque l’on suppose amortie la solution du régime libre. Cela n’a de sens que pour les systèmes stables.
Dans le cadre de cette étude, il est clair que les conditions initiales du système, génératrices de réponses transitoires, ne sont alors plus pertinentes pour décrire sa réponse. On fait comme si elles étaient nulles (artifice de calcul) pour obtenir la réponse harmonique. Ainsi on considère que la solution générale de l’équation différentielle du système est nulle et il ne reste qu’à en trouver la solution particulière, en ne s’embarrassant pas de la fonction \(u(t)\) responsable du régime transitoire.
Pour trouver la réponse en régime sinusoïdal donc la solution particulière de l’équation différentielle, on utilise la propriété de linéarité de l’équation différentielle:
si l’on note \(s(t)\) la réponse à \(E\cos\omega t\) (au sens expliqué ci-dessus),
si l’on note \(\underline{S}(j\omega)\) la réponse à \(\underline{E}(j\omega) = E e^{j\omega t} = E(\cos\omega t + j\sin\omega t)\) (toujours au sens expliqué ci-dessus),
la linéarité impose que la solution réelle \(s(t)\) est égale à \(\Re(\underline{S}(j\omega))\). Afin de déterminer \(s(t)\), il suffit donc de trouver \(\underline{S}(j\omega)\) ce qui est plus facile car si le second membre de l’équation différentielle est de la forme exponentielle \(\propto e^{j\omega t}\) on sait que la solution sera de la forme \(\underline{S}(j\omega)= \underline{S}_0 e^{j\omega t}\). On dit qu’on passe en complexe pour résoudre l’équation ou qu’on applique une transformation cissoïdale. L’excitation \(E e^{j\omega t}\) est appelée excitation cissoïdale et la réponse \(\underline{S}(j\omega)\) (toujours lorsque le régime libre s’est amorti) à \(\underline{E}(j\omega) = E e^{j\omega t}\) est appelée réponse cissoïdale ou réponse harmonique. \(\underline{S}_0\) s’appelle l’amplitude complexe de la réponse harmonique, de module \(S_0 = \vert \underline{S}_0\vert\) et d’argument \(\psi = \mathrm{Arg}(\underline{S}_0)\):
Généralités sur les fonctions de transfert
On considère un système linéaire invariant; à son entrée est appliqué un signal sinusoïdal de pulsation \(\omega\) que l’on peut représenter en notation complexe:
En général, \(\underline{E}_0\) est choisi réel et constant. En reprenant les définitions données précédemment, on peut affirmer que la sortie est également sinusoïdale et de même pulsation, que l’on écrira:
Définition 8. La fonction de transfert d’un système linéaire et permanent est définie par:
Si le système est décrit par une équation différentielle à coefficients constants (équation Eq.16), la fonction de transfert devient:
Un peu de vocabulaire :
L’entier \(n\) degré du polynôme dénominateur \(\underline{D}(j\omega)\) est l’ordre du système. On remarque que c’est aussi l’ordre de l’équation différentielle linéaire sans second membre, et on rappelle que pour un système physique réel \(m \leqslant n\). Un système physique réel d’ordre \(0\) est donc un simple amplificateur.
Les racines de \(\underline{N}(j\omega)\) sont les zéros de la fonction de transfert.
Les racines de \(\underline{D}(j\omega)\) sont les pôles de la fonction de transfert.
\(\varphi = \mathrm{Arg}(\underline{H}(j\omega))\) représente l’avance (algébrique) de phase de la sortie par rapport à l’entrée et \(\vert\underline{H}(j\omega)\vert\) le rapport de leurs amplitudes. Rappelons que \(s(t)=\Re(\underline{S}(j\omega)) = S_0 \cos(\omega t + \psi)\) avec \(S_0 = \vert \underline{H}E\vert\) et \(\psi = \mathrm{Arg}(\underline{S}_0) = \varphi = \mathrm{Arg}(\underline{H}(j\omega))\) si \(E>0\).
Note
Contre-exemple
Dans le cas d’un retard pur \(\tau\), le système n’est pas régi par une équation différentielle à coefficients constants. La fonction de transfert prend la forme \(\underline{H}(j\omega)= e^{-j\omega\tau}\).
Avec la condition \(m \leqslant n\), lorsque \(\omega \rightarrow \infty\), \(\vert\underline{H}(j\omega)\vert\) ne peut pas tendre vers l’infini pour un système physiquement réalisable en régime linéaire. Si cette condition n’est pas réalisée, alors \(\vert s \vert\) tendrait vers l’infini aussi et le système quitterait nécessairement le régime linéaire (phénomènes de saturation en électronique,...). Par exemple, un système parfaitement dérivateur \(\underline{H}(j\omega)= Kj\omega\) n’est pas physiquement réalisable pour \(\omega\) variant de \(0\) à l’infini. En revanche, on peut modéliser un système dérivateur sur une plage en fréquence restreinte. Un système dont la fonction de transfert vérifie \(m > n\) est donc un système imparfaitement modélisé.
Dans l’équation Eq.18, les polynômes aux dénominateur et numérateur sont à coefficients réels pour un système physique. Or tout polynôme à coefficients réels peut se factoriser en produit de polynôme de degré 1 ou 2 (polynômes irréductibles: théorème de d’Alembert-Gauss). Par une décomposition en éléments simples de la fraction rationnelle représentée par \(\underline{H}(j\omega)\), on voit donc que toute fonction de transfert d’un système physique peut se décomposer en une somme de fonctions de transfert d’ordre maximal 2. La connaissance des propriétés des fonctions de transfert d’ordre 1 et 2 est donc suffisante pour prédire le comportement de n’importe quelle système physique linéaire et permanent.
Note
Transformée de Laplace
Dans ce cours, on traite les fonctions de transfert uniquement dans le régime harmonique. L La variable des fonctions de transfert est la pulsation (complexe) \(j\omega\). Il est possible de définir une fonction de transfert plus générale qui code aussi la réponse transitoire du système (réponse à échelon, une impulsion...). Pour cela il faut utiliser la transformée de Laplace, qui est une sorte de généralisation de la transformée de Fourier. La transformée de Laplace d’une fonction \(f(t)\) dite causale (nulle à \(t<0\) i.e. produit d’une fonction échelon) est définie par:
Ici la variable \(p\) est un nombre complexe quelconque, qui remplace \(j\omega\). La transformée de Laplace inclut donc la réponse harmonique du système (\(p\) imaginaire pur) mais aussi les phénomènes d’amortissement et d’amplification (en \(e^{\Re(p)}\)). De même, la donnée de la fonction de transfert et l’étude de sa réponse dans le formalisme de Laplace permet de déduire la réponse temporelle et vice versa. La transformée de Laplace est abondamment utilisée en Sciences de l’Ingénieur par les élèves de classe PSI et son utilisation peut largement déborder sur le cours de physique.
Mode de représentation:
Pour étudier et représenter le comportement du système en fonction de \(\omega\), on a l’habitude d’utiliser différents diagrammes:
diagramme de Black: on trace la courbe paramétrée par \(\omega\) de \(\vert\underline{H}(j\omega)\vert\) en fonction de \(\varphi = \mathrm{Arg}(\underline{H}(j\omega))\)
diagramme de Nyquist: \(\underline{H}\) est représenté par un point du plan complexe \((x=\Re(\underline{H}),y=\Im(\underline{H}))\) et on trace le lieu des points lorsque \(\omega\) varie
diagramme de Bode
Dans la suite on se contentera d’étudier les diagrammes de Bode qui sont les seuls admis au programme de physique.
Définition 9. On définit le gain en décibel noté \(G\) ou \(G_{\mathrm{dB}}\):
et la phase (en degré ou radians):
Le diagramme de Bode consiste à tracer simultanément, mais sur deux graphes séparés, \(G_{\mathrm{dB}}\) et \(\varphi\) en fonction de \(\omega\) (ou de la fréquence) en échelle logarithmique, c’est-à-dire en fonction de \(\log(\omega)\).
On trace habituellement les deux graphes l’un en dessous de l’autre pour que les graduations horizontales correspondent; l’ensemble de ces deux graphes constitue le diagramme de Bode. C’est la seule représentation où la pulsation \(\omega\) peut être directement lue sur le diagramme contrairement aux autres représentations où \(\omega\) est un paramètre de la courbe.
On appelle décade un intervalle de pulsation (ou de fréquence) séparant les deux pulsations (ou fréquences) extrêmes d’un rapport \(10\). On appelle octave un intervalle de pulsation (ou de fréquence) séparant les pulsations (ou fréquences) extrêmes d’un rapport \(2\). On définit les (ou la) pulsation(s) de coupure à \(3\,\mathrm{dB}\) pour lesquelles (ou laquelle):
puisque \(20\log(\sqrt{2}) = 3\,\mathrm{dB}\). Le domaine de pulsation pour lequel \(G_{\mathrm{dB}}\geqslant 20\log(\vert\underline{H}\vert_{\mathrm{max}} / \sqrt{2})\) s’appelle la bande passante à \(3\,\mathrm{dB}\) du système.
Comme le numérateur et le dénominateur d’une fonction de transfert quelconque peuvent toujours se décomposer en produit de fonctions de transfert du premier et du second ordre, il est possible de construire le diagramme de Bode de n’importe quelle fonction de transfert en combinant les diagrammes de Bode élémentaires des fonctions de transfert du premier et du second ordre.
Propriété 10. Le diagramme de Bode (gain et phase) d’un produit est égal à la somme des diagrammes de Bode de chacun des termes.
On trace alors les diagrammes asymptotiques (constitués de droites ou de portions de droites pour \(\omega\rightarrow 0\) et \(\omega\rightarrow\infty\)) de chacun des termes de base intervenant dans la fonction de transfert, et on les somme pour obtenir le diagramme asymptotique de \(\underline{H}\). Il est donc évident qu’il convient de s’intéresser aux diagrammes de Bode des termes élémentaires d’ordre inférieur ou égal à 2.
Note
Influence de la charge sur la fonction de transfert
La fonction de transfert d’un système linéaire est indépendante de l’amplitude des signaux. En revanche, elle dépend de sa charge, c’est-à-dire du système dont \(s(t)\) est la grandeur d’entrée. Prenons un exemple simple: un filtre passe-haut auquel on branche une impédance de charge \(Z_c\).
\(\displaystyle{\underline{H}_1(j\omega) = \frac{\underline{s}}{\underline{e}}=\frac{jRC\omega}{1+jRC\omega}}\) |
\(\displaystyle{\underline{H}_2(j\omega) = \frac{\underline{s}}{\underline{e}} = \frac{jRCZ_c\omega}{R+Z_c+jRZ_c C \omega}}\neq \underline{H}_1(j\omega)\) |
Dans le 2e montage il y a une fuite de courant entre le premier condensateur et la première résistance, et cela change tout.
Plus généralement, cela signifie que la fonction de transfert totale de systèmes linéaires mis en série n’est pas le produit des fonctions de transfert (en général).
Étude et représentation des fonctions de transfert fondamentales
Opérateurs élémentaires
Les diagrammes de Bode des opérateurs les plus simples et leurs caractéristiques sont présentés dans la table Tableau 5. Il est à retenir qu’un opérateur de la forme \((j\omega)^n\) avec \(n\in\mathbb{Z}\) donne lieu à une droite de pente de \(20n\,\mathrm{dB}\)/décade dans le graphe de \(G_{\mathrm{dB}}\). Ces éléments vont nous permettre d’établir aisément les diagrammes de Bode des systèmes du premier et du second ordre.
Constante \(\underline{H}(j\omega)=K\) |
Multi-intégrateur \(\underline{H}(j\omega)= \frac{1}{(j\omega)^n}\) |
Dérivateur \(\underline{H}(j\omega)= (j\omega)^n\) |
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Fonction de transfert d’ordre 1
Définition 11. La fonction de transfert d’un système du premier ordre fondamental peut toujours se mettre sous la forme:
Étudions les cas limites:
- \(\omega\rightarrow 0:\)\(\quad \underline{H}(j\omega)\rightarrow K \Rightarrow \left\lbrace\begin{array}{ll} G_{\mathrm{dB}}& \rightarrow 20\log(K) \\ \varphi & \rightarrow 0 \end{array}\right.\)
- \(\omega\rightarrow \infty\):\(\quad \underline{H}(j\omega)\approx \dfrac{K}{j\omega\tau} \Rightarrow \left\lbrace\begin{array}{l} G_{\mathrm{dB}}^{\text{asympt}} =20 \log(K) -20 \log(\omega\tau) \\ \varphi \rightarrow -\pi/2 \end{array}\right.\)
Les deux asymptotes se croisent donc en \(\omega = 1/\tau\). La pulsation de coupure est donc \(\omega_c = 1/ \tau\), et se trouve à l’intersection des deux asymptotes tracées sur le diagramme de Bode. Pour compléter avec le tracé réel sous les deux asymptotes, calculons un point particulier. Pour \(\omega\tau=1\), \(\vert\underline{H}(j\omega)\vert = \frac{K}{\sqrt{2}} \Rightarrow G_{\mathrm{dB}}= -3\,\mathrm{dB}\) et \(\varphi = -\pi/4\).
Il est à retenir qu’une fonction de transfert d’ordre 1 présente une pente à \(-20\,\mathrm{dB}\)/décade au delà de se fréquence de coupure et un déphasage compris entre \(0\) et \(-\pi/2\).
Fonction de transfert d’ordre 2
Définition 12. La fonction de transfert d’un système du second ordre fondamental peut toujours se mettre sous la forme:
avec le coefficient d’amortissement \(\xi > 0\) (pour les systèmes stables). Le facteur de qualité du système est défini par \(Q=1/2\xi\).
Construisons le diagramme de Bode d’un système d’ordre 2. On commence par étudier le comportement asymptotique de la fonction de transfert:
\(\omega\rightarrow 0:\quad \underline{H}(j\omega)\rightarrow K \Rightarrow \left\lbrace\begin{array}{ll} G_{\mathrm{dB}}& \rightarrow 20\log(K) \\ \varphi & \rightarrow 0 \end{array}\right.\)
\(\omega\rightarrow \infty:\quad \underline{H}(j\omega)\approx -\dfrac{K\omega_0^2}{\omega^2} \Rightarrow \left\lbrace\begin{array}{ll} & G_{\mathrm{dB}}^{\text{asympt}} = 20 \log(K) -40 \log(\omega/\omega_0) \\ & \varphi \rightarrow -\pi \end{array}\right.\)
Quant à elle, la phase suit la loi:
une fonction monotone décroissante de \(\omega\). Pour \(\omega=\omega_0\), on note que \(\varphi = -\pi/2\).
Pour compléter la courbe entre les asymptotes, recherchons des points particuliers à tracer comme par exemple l’annulation du dénominateur [1]:
Deux cas se présentent alors:
\(\xi \geqslant 1\): les deux racines sont réelles et négatives et la fonction de transfert se factorise sous la forme:
\[\begin{split}\displaystyle{\underline{H}= \frac{K}{(1+j\omega\tau_1)(1+j\omega\tau_2)}\quad\text{ avec}\quad \left\lbrace\begin{array}{ll} & \frac{1}{\tau_1} = \omega_0\left(\xi - \sqrt{\xi^2-1}\right) > 0\\ & \frac{1}{\tau_2} = \omega_0\left(\xi + \sqrt{\xi^2-1}\right) > 0 \end{array}\right.}\end{split}\]et le diagramme de Bode est la somme de deux diagrammes d’ordre 1, avec deux fréquences de coupure \(1/\tau_1\) et \(1\tau_2\);
\(0<\xi<1\): la fonction de transfert n’a pas de racines réelles, étudions les variations du diagramme d’amplitude:
\[\frac{1}{\vert\underline{H}\vert^2} = \left(1-\frac{\omega^2}{\omega_0^2}\right)^2 + 4\xi^2\frac{\omega^2}{\omega_0^2} = 1 + (4\xi^2-2)X+X^2\equiv f(X)\text{ avec }X=\frac{\omega^2}{\omega_0^2}>0\]La dérivée de cette fonction s’écrit \(f'(X) = (4\xi^2-2) + 2X\).
cas \(\frac{1}{\sqrt{2}}\leqslant \xi < 1\): la fonction \(f\) n’admet pas d’extremum pour \(X>0\) et \(G_{\mathrm{dB}}\) est monotone décroissante; on dit qu’il n’y a pas de phénomène de résonance.
cas \(0 < \xi < \frac{1}{\sqrt{2}}\): \(G_{\mathrm{dB}}\) admet un maximum pour \(X=1-2\xi^2\) donc pour \(\omega_r = \omega_0\sqrt{1-2\xi^2}\); on dit qu’il y a résonance en \(\omega_r\). Attention, il ne faut pas confondre la pulsation propre \(\omega_0\) avec la pulsation de résonance \(\omega_r\) ! A la résonance, il y a surtension. On définit le coefficient de surtension par:
\[\frac{\vert\underline{H}(j\omega_r)\vert}{\vert\underline{H}(0)\vert} = \frac{1}{2\xi\sqrt{1-\xi^2}}\]Plus \(\xi\) (donc l’amortissement) tend vers \(0\), plus la résonance est aiguë et \(\omega_r\) tend vers \(\omega_0\).
Cas \(\xi \geqslant 1\) |
Cas \(0 < \xi < 1\) |
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Application à une fonction de transfert passe-bande
On s’intéresse ici à la fonction de transfert dite passe-bande d’ordre 2:
C’est le résultat du produit de la fonction de transfert élémentaire dérivateur \(j\omega\) et d’une fonction de transfert du second ordre. Le diagramme de Bode en amplitude correspond donc à la somme d’une droite de pente \(+20\,\mathrm{dB}\)/décade et du diagramme de Bode d’une fonction de transfert du second ordre. Pour le diagramme de phase, il suffit d’additionner \(\mathrm{Arg}(j\omega)=+\pi/2\) au diagramme de phase d’une fonction de transfert du second ordre.
La bande passante à \(-3\,\mathrm{dB}\) pour un filtre passe-bande du second ordre résonant \(\Delta\omega\) est donnée par \(Q = \omega_0/\Delta\omega\). Plus le facteur de qualité \(Q\) est élevé, plus la fonction de transfert est sélective.
Retour sur la réponse temporelle
On a vu qu’un système est décrit par deux types de représentation, temporelle et fréquentielle, qui sont complémentaires mais évidemment pas indépendantes. Il est particulièrement intéressant de comprendre le rôle d’une dérivation ou d’une intégration sur un spectre de Fourier, et sa traduction dans le régime temporel :
quand on coupe les hautes fréquences, on ralentit un système (il atteint moins vite son régime établi) ce qui peut être préférable pour certains système (mécanique, thermique...): c’est le cas d’un système intégrateur
quand on amplifie des hautes fréquences, on rend le système plus rapide (il atteint plus vite le régime établi): c’est le cas d’un dérivateur
quand on amplifie beaucoup une fréquence particulière, on augmente sa contribution dans la décomposition de Fourier jusqu’à la rendre dominante, et le signal de sortie présente des oscillations à cette fréquence.
Cette idée est le principe de base de l’asservissement et des correcteurs dans les systèmes asservis. De manière générale, on constate que
Plus la bande passante d’un système est large plus il est rapide. L’étendue spectrale d’un signal est inversement proportionnelle à son étendue temporelle. Conclusion, modifier la réponse temporelle d’un système linéaire c’est jouer sur sa fonction de transfert. En réponse à un échelon, la réponse d’un système du second ordre est la plus rapide sans dépassement dans le régime apériodique critique \(\xi=1\).
L’ordre d’une fonction de transfert a aussi un impact direct sur la forme de la réponse temporelle d’un système: un système du second ordre peut présenter des dépassements de la valeur finale attendue et des oscillations ce qui n’est pas le cas pour un système du premier ordre. De plus, la réponse d’un système du second ordre possède une dérivée temporelle nulle en \(t=0^+\) contrairement à un système du premier ordre, qui par conséquent réagit plus rapidement au départ.
Exemples de filtres passifs et leurs réalisations électroniques
On appelle filtre linéaire un système dont la fonction de transfert en régime harmonique dépend de la fréquence. Or on sait bien que tout système a un comportement qui dépend de la fréquence... On appelle donc filtre seulement les systèmes conçus uniquement pour transmettre sélectivement les diverses composantes d’un signal. Un filtre qui a pour effet de modifier les amplitudes (affaiblir ou accentuer) de certaines composantes est appelé filtre d’amplitude. On distingue (avec des dénominations évidentes):
les filtres passe-bas
les filtres passe-haut
les filtres passe-bande
les filtres réjecteurs ou coupe-bande
les filtres passe-tout déphaseurs
La modification de la phase constitue un filtrage de phase. Les deux effets (filtrage de phase et d’amplitude) vont en général de paire, mais si \(\vert\underline{H}(j\omega)\vert=1\), on a un système purement déphaseur comme le passe-tout déphaseur \(\underline{H}(j\omega)= (1-j\omega\tau)/(1+j\omega\tau)\).
Voici tout d’abord quelques applications de ces filtres:
passe-bas: lissage du bruit haute fréquence, amortisseur de voiture
passe-haut: entrée AC de l’oscilloscope
passe-bande: amplificateur sélectif dans une radio
intégrateur: mesure du champ magnétique (fluxmètre)
dérivateur: correcteur pour améliorer la rapidité d’un système asservi
Amplification par une constante
Montage diviseur de tension |
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\(\displaystyle{\underline{H}(j\omega)= \frac{1}{1+\cfrac{R_1}{R_2}}} = \frac{R_2}{R_1+R_2}\) |
Filtre du premier ordre
Montage passe-bas (pseudo-intégrateur) |
Montage passe-haut (pseudo-dérivateur) |
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\(\displaystyle{\underline{H}(j\omega)= \frac{1}{1+jRC\omega}}\) |
\(\displaystyle{\underline{H}(j\omega)= \frac{jRC\omega}{1+jRC\omega}}\) |
Filtres du second ordre
Les filtres du second ordre passifs peuvent être élaborés avec une bobine ou sans. Ici les diagrammes de Bode de chacun des filtres ne sont pas reproduits, mais le lecteur est invité à vérifier le comportement de chacun de ces montages pour les cas limites \(\omega\rightarrow 0\) et \(\omega\rightarrow\infty\).
Montage RLC passe-bas d’ordre 2 |
Montage RLC passe-haut d’ordre 2 |
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\(\displaystyle{\underline{H}(j\omega)= \frac{jRC\omega}{1+jRC\omega -LC\omega^2}}\) |
\(\displaystyle{\underline{H}(j\omega)= \frac{1 -LC\omega^2}{1+j\frac{L}{R} -LC\omega^2}}\) |
Montage RLC passe-bande |
Montage RLC coupe-bande |
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\(\displaystyle{\underline{H}(j\omega)= \frac{jRC\omega}{1+jRC\omega -LC\omega^2}}\) |
\(\displaystyle{\underline{H}(j\omega)= \frac{1 -LC\omega^2}{1+j\frac{L}{R} -LC\omega^2}}\) |
Montage double passe-bas |
Montage double passe-haut |
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\(\displaystyle{\underline{H}(j\omega)= \frac{1}{1+3jRC\omega -(RC\omega)^2}}\) |
\(\displaystyle{\underline{H}(j\omega)= \frac{-(RC\omega)^2}{1+3jRC\omega -(RC\omega)^2}}\) |
Montage passe-bande (pont de Wien) |
Montage coupe-bande |
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\(\displaystyle{\underline{H}(j\omega)= \frac{jRC\omega}{1+3jRC\omega -(RC\omega)^2}}\) |
\(\displaystyle{\underline{H}(j\omega)= \frac{1+2jRC\omega -(RC\omega)^2}{1+3jRC\omega -(RC\omega)^2}}\) |
L’utilisation des filtres passifs comportent un certain nombre d’inconvénients:
limitation des bobines: ces composants sont encombrants, lourds (noyaux de fer), coûteux si précis, peu stables thermiquement, de résistance non négligeable, présentent un risque de couplage mutuel entre bobines, et il est difficile à haute fréquence d’avoir un facteur de qualité \(Q=L\omega/R\) grand.
impédances d’entrée et de sortie peu adaptées: le comportement du filtre dépend du courant débité et donc de la charge à la sortie du système qui appelle ce courant (voir encadré section Généralités sur les fonctions de transfert)
Un filtre est dit actif s’il possède un apport d’énergie autre que celui venant de l’excitation d’entrée. Les filtres actifs possèdent l’inconvénient de devoir être alimentés par une source extérieure, de saturer à forte amplitude et d’amplifier le bruit à faible amplitude. Dans un montage en contre-réaction, il y a aussi des risques d’instabilité. Ces filtres seront étudiés au paragraphe Application aux filtres actifs.
Exercices (quelques solutions en annexe)
Retrouver toutes les fonctions de transfert et tracer les diagrammes de Bode des fonctions électroniques représentées section Exemples de filtres passifs et leurs réalisations électroniques.
Note
Systèmes couplés à plusieurs degrés de liberté
\[\begin{split}\left\lbrace\begin{array}{ll} \ddot{x}_1 + \tau (\dot{x}_1 - \dot{x}_2) + \omega_0^2 x_1 &= 0\\ \ddot{x}_2 + \tau (\dot{x}_2 - \dot{x}_1) + \omega_0^2 x_2 &= 0 \end{array}\right. \xRightarrow[]{\text{Fourier}} \left\lbrace\begin{array}{ll} -\omega^2 \underline{X}_1 + j\omega\tau^{-1} (\underline{X}_1 - \underline{X}_2) + \omega_0^2 \underline{X}_1 &= 0\\ -\omega^2 \underline{X}_2 + j\omega\tau^{-1} (\underline{X}_2 - \underline{X}_1) + \omega_0^2 \underline{X}_2 &= 0 \end{array}\right.\end{split}\]avec les degrés de liberté \(x_1\) et \(x_2\). Ce système s’écrit sous forme matricielle :
\[\begin{split}\underline{M} \vec{\underline{X}} = \vec{0}\text{ avec } \underline{M} = \left(\begin{array}{cc} -\omega^2 + j\omega\tau^{-1} + \omega_0^2 & - j\omega\tau^{-1} \\ -j\omega\tau^{-1} & -\omega^2 + j\omega\tau^{-1} + \omega_0^2 \end{array}\right)\end{split}\]Rechercher la base où les degrés de liberté sont découplés revient à rechercher la base dans laquelle la matrice \(M\) est diagonale. Les modes propres, ou degrés de liberté découplés, sont alors les vecteurs propres de \(\underline{M}\), de pulsation propre définie via la valeur propre associée. Le système ci-dessus possède deux modes propres de valeurs propres et vecteurs propres:
\[\begin{split}\begin{array}{ll} \lambda_+ = -\omega^2 + \omega_0^2, &v_+ \propto (1,\ \ 1) \\ \lambda_- = -\omega^2 + 2j\omega\tau^{-1} + \omega_0^2, &v_- \propto (1, -1) \end{array}\end{split}\]L’usage des matrices de passage permet d’opérer une rotation dans l’espace des degrés de liberté du système. On obtient que les deux modes propres sont un mode symétrique \(\underline{D}=\underline{X}_1+\underline{X}_2\) associé à \(\lambda_+\) et un mode anti-symétrique \(\underline{S}=\underline{X}_1-\underline{X}_2\) associé à \(\lambda_-\). Écrit dans la base des modes propres, chaque mode peut être traité indépendamment avec le formalisme des fonctions de transfert. Les valeurs propres donnent les équations caractéristiques de chaque mode propre, les résoudre permet de trouver les solutions temporelles associées:
\[\lambda_+=0 \Rightarrow \omega = \omega_0 \Rightarrow \text{oscillateur libre}\]\[\lambda_-=0 \Rightarrow \text{les 3 cas des oscillateurs du 2e ordre amortis}\]Dans l’espace temporel ou celui de Fourier, toute solution générale du système d’équations différentielles linéaires sera une combinaison linéaire des modes propres \(D(t)\) et \(S(t)\) du système.