Oscillateurs

Les oscillateurs se rencontrent dans tous les domaines de la physique, notamment en optique (par exemple le laser) ou en électronique. Dans ce chapitre, nous nous intéresserons principalement aux seconds. Ils constituent en effet l’une des fonctions de base de l’électronique (analogique comme numérique). Ils sont utilisés pour cadencer le fonctionnement des systèmes (horloges de circuits numériques, montres, etc...). Ils peuvent également être utilisés pour fabriquer directement des signaux classiques de tests en électronique (générateurs analogiques) ou pour fabriquer des ondes porteuses pour les télécommunications.

Tableau 16 Gauche : un oscillateur intégré à quartz. Milieu : un oscillateur monté sur une carte mère d’ordinateur. Droite : un oscillateur dont la fréquence est contrôlée par une tension d’entrée (VCO: Voltage Controlled Oscillator).
_images/oscillateur_quartz.jpg
_images/oscillateur_carte_mere.png
_images/VCO_70_200_MHZ.png

Les oscillateurs à l’agrégation : ce chapitre concerne en particulier les épreuves suivantes :

  • Leçons : rétroaction et oscillations, oscillateurs, portraits de phase et non-linéarités.

  • MP8 : Instabilités

  • MP9 : Phénomènes non-linéaires.

  • MP53 : Systèmes bouclés.

  • MP54 : Résonances

Stabilité d’un système linéaire permanent

Étude théorique de la stabilité

Une définition possible de la stabilité est la suivante : un régime linéaire est stable si à une entrée bornée quand \(t\rightarrow+\infty\) correspond une sortie bornée quand \(t\rightarrow+\infty\). Mais de toute façon les systèmes physiques réels ne délivrent pas de signaux infinis. Les signaux de réponse sont toujours limités par le phénomène de saturation des composants actifs tels que l’amplificateur linéaire intégré en électronique, par les limites de tolérance des appareils, etc... Quand les signaux théoriques sont trop grands, le système quitte le régime linéaire (qui n’est donc pas stable) et l’équation différentielle linéaire ne régit plus son fonctionnement. D’autres définitions de la stabilité, pas forcément équivalentes, sont que la réponse impulsionnelle d’un système stable doit tendre vers zéro ou que la solution de l’équation homogène doit tendre vers zéro.

Reprenons l’équation différentielle Eq.16 à coefficients réels et constants déjà étudiée :

(19)\[ a_0 s(t) + \sum_{j=1}^n a_j \frac{\mathrm{d}^j s}{\mathrm{d}t^j} = b_0 e(t) + \sum_{i=1}^m b_i \frac{\mathrm{d}^i e}{\mathrm{d}t^i}\]

Pour trouver la solution complète de cette équation, il faut trouver une solution particulière et la forme générale de la solution en régime libre (i.e. de l’équation homogène). Pour obtenir cette dernière, on teste les fonctions du types \(s(t) \propto e^{r t}\). Ceci permet d’établir l’équation caractéristique associée à l’équation homogène:

(20)\[ a_0 + \sum_{j=1}^n a_j r^j = 0\]

La résolution de cette équation polynomiale conduit à trouver \(n\) racines \(r_i\) réelles, complexes, nulles ou multiples et la solution générale de l’équation homogène est une combinaison linéaire des fonctions \(\left\lbrace e^{r_i t}\right\rbrace_{i=1}^n\). Or, pour qu’un système linéaire soit stable, rappelons qu’il faut et il suffit que sa réponse en régime libre ne tende pas vers l’infini quand \(t\rightarrow+\infty\). Par conséquent, il faut qu’aucune des racines \(r_i\) de l’équation caractéristique du système ne soit réelle et strictement positive, ni complexe à partie réelle strictement positive. Le cas où des racines complexes auraient leur partie réelle nulle correspond au cas particulier des systèmes auto-oscillants.

Propriété 1. Un système linéaire permanent est stable si et seulement si la totalité des racines de l’équation caractéristique sont soit réelles négatives, soit complexes à partie réelle négative.

Système d’ordre 1 :

dans le cas d’un système d’ordre 1:

\[s(t) + \tau \frac{\mathrm{d}s}{\mathrm{d}t} = 0\]

la condition de stabilité énoncée ci-dessus impose \(\tau > 0\). \(\tau\) est alors la constante de temps du système.

Système d’ordre 2:

dans le cas d’un système d’ordre 2 quelconque, l’équation caractéristique s’écrit:

\[ar^2 + br + c =0\]

Sans restreindre la généralité, on peut supposer \(a>0\). Le produit des racines vaut \(c/a\). Donc, quelque soit le signe du discriminant \(\Delta\), la condition de stabilité (négativité des parties réelles de toutes les racines) impose \(c/a > 0\) et donc \(c\) et \(a\) ont le même signe. On peut alors écrire l’équation différentielle homogène sous la forme:

\[\frac{1}{\omega_0^2}\frac{\mathrm{d}^2 s}{\mathrm{d}t^2}+\frac{2\xi}{\omega_0}\frac{\mathrm{d}s}{\mathrm{d}t}+s(t) = 0\]

Trois situations se présentent suivant le signe du discriminant \(\Delta = 4(\xi^2-1)/\omega_0^2\):

  1. \(\Delta>0\) pour \(\xi^2 > 1\): l’équation caractéristique a deux racines réelles \(r_\pm = \omega_0\left(-\xi \pm \sqrt{\xi^2-1}\right)\)

  2. \(\Delta<0\) pour \(\xi^2 < 1\): l’équation caractéristique a deux racines complexes conjuguées \(r_\pm = \omega_0\left(-\xi \pm j\sqrt{1-\xi^2}\right)\).

  3. \(\Delta=0\) pour \(\xi=\pm 1\): l’équation caractéristique a une racine double \(\mp\omega_0\)

La condition de stabilité impose \(\xi > 0\) (si on suppose \(\omega_0>0\) par convention). Dans ce cas, \(\xi\) s’appelle le coefficient d’amortissement. Le cas \(\xi=0\) correspond au cas des systèmes auto-oscillants (deux racines complexes imaginaires purs).

Propriété 2. Les systèmes d’ordre 1 et 2 sont stables si et seulement si tous les coefficients de l’équation caractéristique associée à l’équation différentielle qui les régit sont de même signe.

Pour les systèmes d’ordre supérieur, cette condition sur les signes des coefficients \(a_j\) de l’équation homogène reste nécessaire mais n’est plus suffisante. Il existe cependant des critères mathématiques applicables à ces coefficients pour déterminer si un système linéaire est stable (critère algébrique de Routh).

Note

Conséquences pour l’étude de la stabilité d’un montage à AO

Pourquoi faut-il absolument une boucle de rétroaction entre la sortie et l’entrée inverseuse d’un AO pour assurer la stabilité du montage ?

Amplificateur non inverseur

Comparateur à hystérésis

_images/amplificateur_non_inverseur.svg
_images/comparateur_hysteresis.svg

Dans tous les calculs de montages à AO idéal en régime linéaire, on écrit l’égalité des potentiels aux bornes du composant \(V_+=V_-\). On ne peut donc pas comprendre à partir de ces calculs la différence fondamentale entre les entrées inverseuse et non inverseuse, ni prévoir que les montages identiques où l’on aurait simplement inversé les bornes \(+\) et \(-\) de l’AO deviendraient instables.

On rappelle le modèle linéaire de l’AO comme passe-bas du premier ordre:
\[\tau \frac{\mathrm{d}s}{\mathrm{d}t}+ s(t) = \mu_0(V_+-V_-) = \mu_0 \epsilon\]

avec \(\mu_0 \approx 10^5\) positif, \(f_c = 1/2\pi\tau = 10\;\hertz\) et \(s(t)\) la tension de sortie. Inverser les bornes \(+\) et \(-\) dans un montage équivaut formellement à changer le signe de \(\mu_0\).


Reprenons le montage de l’amplificateur non-inverseur dont les équations sont:
\[\begin{split}\begin{aligned} \left\lbrace\begin{array}{ll} V_+ & = e(t) \\ V_- & = s(t) R_1/(R_1+R_2) \end{array}\right. & \Rightarrow \tau \frac{\mathrm{d}s}{\mathrm{d}t}+ s(t) = \mu_0\left(e(t) - s(t) \frac{R_1}{R_1+R_2}\right) = \mu_0 \epsilon \\ & \Rightarrow \frac{\tau}{1+\mu_0 \cfrac{R_1}{R_1+R_2} }\frac{\mathrm{d}s}{\mathrm{d}t}+ s(t) = \frac{\mu_0}{1+\mu_0 \cfrac{R_1}{R_1+R_2}} e(t)\end{aligned}\end{split}\]

Comme \(\mu_0 \gg 1\), le signe de \(\tau' = \tau / \left(1+\mu_0 \frac{R_1}{R_1+R_2} \right)\) est quasiment le signe de \(\mu_0\). Le montage n’est donc stable que si \(\mu_0 > 0\) donc avec une boucle de rétroaction entre la sortie et l’entrée inverseuse. Au contraire, il devient instable et fonctionne en régime saturé si on inverse les bornes \(+\) et \(-\) puisque cela revient à changer le signe de \(\mu_0\). Ce montage devient alors un comparateur à hystérésis.


Retenons que pour qu’un AO fonctionne en régime linéaire, il est nécessaire qu’une boucle relie son entrée \(-\) à la sortie. Ce n’est une condition suffisante que s’il n’y a pas de boucle entre l’entrée \(+\) et la sortie (une telle liaison peut rendre tout le montage instable).

Application aux systèmes bouclés

Examinons les conditions de stabilité vues précédemment dans le cas des systèmes bouclés. On sait qu’un système linéaire est stable si et seulement si aucune des racines de l’équation caractéristique associée n’est réelle strictement positive ou complexe à partie réelle strictement positive. Or le polynôme Eq.20 de l’équation caractéristique se retrouve au dénominateur de la fonction de transfert du système régit par l’équation différentielle Eq.19. Les racines de l’équation caractéristique sont donc les pôles de la fonction de transfert. On peut par conséquent énoncer la propriété suivante:

Propriété 3 (Condition nécessaire et suffisante sur \(\underline{H}_{\text{FTBF}}\)). Un système asservi est stable si et seulement si tous les pôles de sa fonction de transfert en boucle fermée ont une partie réelle strictement négative.

  • Si toutes les parties réelles sont nulles, le système asservi est oscillant.

  • Si une des parties réelles est positive, le système est instable.

Décrivons la signification de cette condition dans le domaine de Laplace et de Fourier

Point de vue Laplace :

considérons une fonction de transfert en boucle fermée d’ordre \(n\) de la forme :

\[\displaystyle{\underline{H}_{\text{FTBF}}(p) = \dfrac{\displaystyle \prod_{i=1}^m(p-z_i)}{\displaystyle \prod_{i=1}^n (p-p_i)}}\]

avec \(p_i\) et \(z_i\) respectivement les pôles et zéros de la fonction de transfert. La réponse d’un tel système à une impulsion d’amplitude \(E_0\) est donnée par \(S(p)=H(p)\times E_0\), donc étudier la stabilité de la fonction de transfert est étudier la stabilité du système soumis à une impulsion. Par une décomposition en éléments simples, on obtient :

(21)\[S(p) = E_0 \sum_{i=1}^r \frac{a_i}{p-p^{(r)}_{i}} + E_0 \sum_{j=1}^{(n-r)/2} \left( \frac{b_j}{p-p_j^{(c)}} + \frac{\overline{b}_j}{p-\overline{p_j^{(c)}}} \right)\]

avec \(a_i\) réel, \(b_j\) complexe, \(p^{(r)}_{i}\) les \(r\) pôles réels et \(p_j^{(c)}\) les \((n-r)/2\) pôles complexes conjugués. Or d’après la table des transformées de Laplace inverse section Utilité des transformées de Laplace, ces fractions rationnelles s’inversent en fonctions temporelles de la forme \(e^{p^{(r)}_{i} t}\) et \(e^{p^{(c)}_{j} t}\). La réponse temporelle impulsionnelle \(s(t)\) est donc instable s’il existe au moins un pôle réel positif ou un pôle complexe à partie réelle positive.

Point de vue Fourier :

si l’on ne dispose pas du formalisme de Laplace pour discuter de la stabilité d’un système bouclé, mais seulement de celui de Fourier, on peut quand même appliquer la définition générale. Rappelons encore une fois qu’un système bouclé est stable si et seulement si tous les pôles de la fonction de transfert en boucle fermée \(\underline{H}_{\text{FTBF}} = \underline{A}/\left(1+\underline{A}\underline{\beta}\right)\) ont des parties réelles strictement négatives. Dans l’espace de Fourier, il s’agit donc d’étudier les zéros de la fonction \(1+\underline{A}(j\omega)\underline{\beta}(j\omega) = 1+\underline{H}_{\text{FTBO}}(j\omega)\). Comme \(j\omega\) est un imaginaire pur, il faut alors vérifier qu’il n’existe pas de valeur de \(\omega\) qui annule cette fonction. S’il existe une pulsation \(\omega_0\) telle que \(\underline{H}_{\text{FTBO}}(j\omega_0) = -1\) alors on a un pôle de partie réelle nulle et on atteint la situation critique d’un système auto-oscillant. En effet, comme on le verra pour les oscillateurs quasi-sinusoïdaux, à la pulsation pour laquelle \(\underline{H}_{\text{FTBO}}(j\omega)=-1\) il est possible d’envisager un signal de sortie sinusoïdal de pulsation \(\omega\), même sans signal d’entrée, puisque \(\underline{S}(j\omega) = \underline{H}_{\text{FTBF}}(j\omega) \underline{E}(j\omega)\). Dans ce cas, les deux conditions suivantes sont simultanément réalisées.

Propriété 4. Un système bouclé est en limite de stabilité s’il existe une pulsation \(\omega_0\) telle que:

\[\begin{split}\left\lbrace\begin{array}{l} \vert\underline{H}_{\text{FTBO}}(j\omega_0)\vert = 1 \\ \mathrm{Arg}(\underline{H}_{\text{FTBO}}(j\omega_0)) = - \pi \end{array}\right.\end{split}\]

La première condition traduit que le signal est régénéré après "un tour de boucle", la seconde que le comparateur fonctionne en sommateur avec "interférence constructive".

Étude expérimentale de la stabilité d’un système bouclé

L’étude de la stabilité d’un système linéaire peut aussi se mener de manière expérimentale (i.e. graphique) à partir du relevé de son comportement fréquentiel en boucle ouverte. En effet, il n’est pas forcément toujours possible ni souhaitable de modéliser mathématiquement un système réel, et encore moins d’en calculer les pôles de sa fonction de transfert en boucle fermée accompagnés d’une confiance suffisante dans leur valeur. On l’a vu, finalement pour savoir si un système est instable ou non il suffit de savoir démontrer l’existence d’un pôle à partie réelle positive pour la fonction de transfert en boucle fermée. Il n’est donc pas nécessaire de le calculer explicitement. En revanche, on peut éventuellement mesurer la réponse fréquentielle du système en boucle ouverte, et il existe un critère qui nous informe s’il sera stable ou instable une fois bouclé.

_images/critere_nyquist3.svg

Fig. 45 Illustration du critère du revers: si \(\underline{H}_{\text{FTBO}}(j\omega)\) est stable et que son contour passe à droite du point critique \(-1\) dans le sens des \(\omega\) croissants, alors on sait que bouclé ce système sera stable.

Propriété 5 (Critère simplifié du revers). Si un système linéaire est stable en boucle ouverte, une condition nécessaire et suffisante de stabilité asymptotique du système en boucle fermée est qu’en parcourant le lieu de Nyquist \(H_{FTBO}(j\omega)\) dans le sens des pulsations \(\omega\) croissantes, on laisse le point critique \(-1\) à gauche.

Ce critère graphique permet de prédire si le système ouvert une fois bouclé sera stable ou instable [1]. Il ne faut cependant pas penser que ce critère est empirique car graphique, puisqu’il se démontre mathématiquement sans approximation et avec peu d’hypothèses, grâce aux outils de l’analyse complexe, notamment le théorème de Cauchy (voir ci-dessous).

Le critère du revers ainsi que la lecture des marges de gain et de phase sur les diagrammes de Bode (voir ci-après) sont les outils les plus simples et les plus pratiques pour étudier la stabilité d’un système bouclé, avant de le boucler.

Note

Démonstration du critère du revers (facultatif)

Propriété 6 (Théorème de Cauchy). Soit \(F(p)\) une fonction de la variable complexe \(p\) ayant \(P\) pôles et \(Z\) zéros à l’intérieur d’une courbe fermée \(\Gamma\). En parcourant \(\Gamma\) dans le sens antitrigonométrique, la courbe \(F(\Gamma)\) décrit \(T=P-Z\) tours dans le sens trigonométrique autour de zéro.

_images/cauchy.svg

Illustration du théorème de Cauchy: soit \(\Gamma\) un contour et \(F(p)\) une fonction du plan complexe. \(\Gamma\) entoure \(Z=2\) zéros de \(F(p)\) et \(P=4\) pôles de \(F(p)\). Donc d’après le théorème de Cauchy la courbe \(F(\Gamma)\) entoure \(T=2\) fois l’origine du plan complexe.

Le théorème de Cauchy permet de relier le nombre de pôles et zéros d’une fonction entourés par un contour et le nombre de tour autour de zéro qu’elle fera si \(p\) appartient au contour.
Pour l’étude de la stabilité d’un système, on ne veut pas nécessairement connaitre la valeur des pôles de \(\underline{H}_{\text{FTBF}}(p)\) pour connaitre le signe de leur partie réelle, mais on veut seulement connaitre le nombre de pôles à partie réelle positive (ou le nombre de zéros de \(1+\underline{H}_{\text{FTBO}}(p)\) à partie réelle positive). Alors un contour \(\Gamma\) d’intérêt est le contour dit de Bromwich \(\Gamma_B\) qui englobe tout le plan complexe à partie réelle positive. Si le tracé de \(1+\underline{H}_{\text{FTBO}}(\Gamma_B)\) réalise \(T\) tours autour de zéro et qu’on sait que \(\Gamma_B\) englobe \(P=T\) pôles de \(1+\underline{H}_{\text{FTBO}}(p)\), alors cela signifie que \(1+\underline{H}_{\text{FTBO}}(p)\) possède \(Z=0\) zéros à partie réelle positive.
_images/critere_nyquist.svg

Illustration du critère de Nyquist: si le contour choisi est le contour de Bromwich \(\Gamma_B\) représenté à gauche, alors si on connaît le nombre de pôles instables de la fonction \(1+\underline{H}_{\text{FTBO}}(p)\), le comptage du nombre de tours du lieu \(1+\underline{H}_{\text{FTBO}}(\Gamma_B)\) autour de zéro dans le sens trigonométrique permet d’en déduire le nombre de zéros à partie réelle positive de la fonction. On rappelle aussi que pour un système physique causal, \(\underline{H}_{\text{FTBO}}(p)\rightarrow 0\) avec \(\vert p \vert \to \pm \infty\) donc le lieu \(1+\underline{H}_{\text{FTBO}}(\Gamma_B)\) passe forcément par le point \(+1\).

Propriété 7 (Critère de Nyquist). Un système asservi de fonction de transfert en boucle ouverte \(\underline{H}_{\text{FTBO}}(p)\) est asymptotiquement stable en boucle fermée à la condition nécessaire et suffisante que \(\underline{H}_{\text{FTBO}}(\Gamma_B)\) entoure le point critique \(-1\) dans le sens trigonométrique un nombre \(T\) de fois égal au nombre \(P\) de pôles instables (à partie réelle positive) de \(\underline{H}_{\text{FTBO}}(p)\).

Grâce à ce critère géométrique, on peut connaître la stabilité d’un système en boucle fermée uniquement grâce à la donnée de sa fonction de transfert en boucle ouverte. Mais cela nécessite de connaître le nombre \(P\) de pôles instables de \(\underline{H}_{FTBO}(p)\) et d’avoir le tracé du lieu \(\underline{H}_{\text{FTBO}}(\Gamma_B)\). Rajoutons quelques arguments physiques pour restreindre l’étude de la stabilité.
Pour un système physique donc causal, \(\underline{H}_{\text{FTBO}}(p)\) s’annule pour \(\vert p \vert \to \infty\) donc sur l’extérieur du contour de Bromwich. Nécessairement le lieu \(\underline{H}_{\text{FTBO}}(\Gamma_B)\) passe alors par le point \(0\) et seul le parcours de \(\Gamma_B\) le long de l’axe des imaginaires purs est d’intérêt. Cet axe peut être paramétré par la variable \(j\omega\) et donc obtenir \(\underline{H}_{\text{FTBO}}(\Gamma_B)\) revient à savoir tracer la courbe \(\underline{H}_{\text{FTBO}}(j\omega)\) appelée lieu de Nyquist.
Ensuite, un système physique linéaire est décrit par une équation différentielle à coefficients réels, par conséquent \(\underline{H}_{\text{FTBO}}(0)\) est réel et \(\underline{H}_{\text{FTBO}}(-j\omega) = \underline{H}^*_{\text{FTBO}}(j\omega)\): le lieu de Nyquist d’un système physique est symétrique par rapport à l’axe des réels. Donc, pour tracer le lieu \(\underline{H}_{\text{FTBO}}(\Gamma_B)\), il est suffisant de ne s’intéresser qu’au parcours du demi axe positif des imaginaires purs \(\omega > 0\): le lieu de Nyquist peut donc être *obtenu expérimentalement par une étude fréquentielle du système en boucle ouverte.
Enfin, de manière général, les systèmes physiques ont des fonctions de transfert en boucle ouverte qui ne contiennent pas de pôles à partie réelle positive (sinon on sait qu’il diverge déjà en boucle ouverte). Ceci permet de définir le critère simplifié de stabilité en boucle fermée appelé critère du revers.

Propriété 8 (Critère simplifié du revers). Si le système est stable en boucle ouverte (\(H_{FTBO}(p)\) n’a pas de pôles instables), une condition nécessaire et suffisante de stabilité asymptotique du système en boucle fermée est qu’en parcourant le lieu de Nyquist \(H_{FTBO}(j\omega)\) dans le sens des pulsations \(\omega\) croissantes, on laisse le point critique \(-1\) à gauche. Le sens des pulsations ainsi défini garantit que le contour approche le point \(-1\) avec une phase négative.

_images/critere_nyquist2.svg

Illustration du critère du revers: si \(\underline{H}_{\text{FTBO}}(j\omega)\) est stable et que son contour passe à droite du point critique \(-1\) dans le sens des \(\omega\) croissants, alors on sait que bouclé ce système sera stable.

Systèmes d’ordre 1 et 2:

pour des systèmes asservis du type filtre passe-bas d’ordre 1 ou 2 en boucle ouverte, la phase n’est jamais inférieure à \(-180^\circ\) (voir figure Tableau 17), donc les fonctions de transfert en boucle ouverte n’atteignent jamais le point critique \(-1\) : ces systèmes sont donc stables.

Propriété 9. Les systèmes bouclés avec un soustracteur et dont la fonction de transfert en boucle ouverte est un passe-bas d’ordre 1 ou 2 sont stables.

Tableau 17 Gauche : lieux de Nyquist de la fonction de transfert d’ordre 1 \(\underline{H}_{FTBO}(j\omega)=K/(1+j\omega\tau)\) pour différentes valeurs de \(K\). Droite : lieu de Nyquist de la fonction de transfert du 2e ordre \(\underline{H}_{FTBO}(j\omega)=K/(1+2\xi j\omega/\omega_0-\omega^2/\omega_0^2)\) pour différentes valeurs de \(0<\xi<1\).
_images/nyquist_ordre1.svg
_images/nyquist_ordre2.svg

Attention, s’ils sont bouclés avec un sommateur, le point critique à regarder est \(+1\) et ces systèmes peuvent présenter des instabilités. Les systèmes d’ordre supérieurs à deux sont toujours potentiellement instables. Du critère du revers on peut donc en déduire la propriété suivante.

_images/marges.svg

Fig. 46 Marges de gain \(M_G\) et de phase \(M_\varphi\) représentées sur les diagrammes de Bode (gauche) et de Nyquist (droite) pour une fonction de transfert à boucle ouverte \(H_{FTBO}(j\omega)\) telle que présentée section Correction intégrale.

Marges de gain et de phase:

le critère du revers peut être traduit de la manière suivante pour les systèmes bouclés d’ordre quelconque:

  • soit \(\omega_c\) la pulsation critique pour laquelle \(\mathrm{Arg}(\underline{H}_{\text{FTBO}}(j\omega_c)) = - \pi\) (ou \(-180^\circ\)), le système est stable si \(\vert\underline{H}_{\text{FTBO}}(j\omega_c)\vert < 1\) (cela traduit qu’après un tour de boucle le signal est plus petit que celui qui lui a donné naissance)

  • soit \(\omega_\varphi\) la pulsation telle que \(\vert\underline{H}_{\text{FTBO}}(j\omega_\varphi)\vert=1\), le système est stable si \(-\pi < \mathrm{Arg}(\underline{H}_{\text{FTBO}}(j\omega_\varphi))\leqslant 0\).

En général, savoir si un système est stable ou non ne suffit pas : il faut connaître le degré de stabilité. En effet, si un système bouclé est trop près des conditions limites de la stabilité, une légère modification des paramètres (par exemple une variation de température ou autre) pourrait rendre le système instable. On définit en quelque sorte une marge de sécurité pour le gain et la phase :

  • marge de gain: si \(\omega_c\) est la pulsation pour laquelle \(\mathrm{Arg}(\underline{H}_{\text{FTBO}}(j\omega_c)) = - 180^\circ\), on définit la marge de gain en \(\mathrm{dB}\) par:

    \[\boxed{M_G = -20\log(\vert\underline{H}_{\text{FTBO}}(j\omega_c)\vert)}\]
  • marge de phase: si \(\omega_\varphi\) est la pulsation telle que \(\vert\underline{H}_{\text{FTBO}}(j\omega_\varphi)\vert=1\), on définit la marge de phase \(M_\varphi\) en degrés par :

    \[\boxed{ M_\varphi = 180^\circ + \mathrm{Arg}(\underline{H}_{\text{FTBO}}(j\omega_\varphi))}\]

Propriété 10. Un système est stable en bouclé fermée avec un soustracteur si \(M_G > 0\) ou \(M_\varphi > 0\). Si ces conditions ne sont pas satisfaites, le système est instable.

Des valeurs considérées empiriquement comme correctes pour assurer la stabilité du système sont \(M_\varphi > 45^\circ\) et \(M_G > 10\,\mathrm{dB}\). Il est fréquent que si l’une des deux marges est convenable, l’autre le soit aussi. Ces marges sont facilement lisibles sur les diagrammes de Bode ou de Nyquist de la fonction de transfert en boucle ouverte (voir figure Fig. 46).

Si les marges de gain et de phase ne sont pas respectées, alors le système devient instable. Reprenons l’exemple de la machine à courant continu asservie en vitesse de rotation avec un correcteur intégrateur (section Intérêt d’un élément correcteur). Ce système est d’ordre 3 et sa fonction de transfert en boucle ouverte est représentée figure Fig. 46 pour un gain du correcteur \(K_c=0.2\). Si jamais ce nombre est supérieur, alors le lieu de Nyquist risque de dépasser le point critique \(-1\) tel que sur la figure Tableau 18 et le système devient instable.

Tableau 18 Gauche : lieu de Nyquist de la fonction de transfert \(H_{FTBO}(j\omega)\) pour une machine à courant continu asservie en vitesse de rotation avec un correcteur intégral telle que le système dépasse le point critique \(-1\) (\(K_c=1.5\)). Droite : réponse temporelle (bleu) à un échelon de tension (jaune) du système devenu instable par une trop grande valeur du correcteur intégral.
_images/boucle_mcc_instable_nyquist.svg
_images/boucle_mcc_instable_temporel.svg

Généralités sur les systèmes auto-oscillants

Dans un système auto-oscillant (ou oscillateur), il n’y a pas de source à l’entrée de la boucle. Le signal est engendré par le système lui-même, les oscillations "accrochant" un signal de perturbation quelconque. Par exemple, en électronique, il pourra s’agir d’une impulsion due à la mise sous tension des appareils ou à des perturbations électromagnétiques captées par induction par les fils, etc...

En électronique, l’énergie produite provient évidemment des sources de tension continues non représentées sur les schémas servant à l’alimentation des composants actifs. De même, pour tous les systèmes auto-oscillants de tout domaine de la physique (optique, mécanique, par exemple), une source d’énergie extérieure est nécessaire à l’entretien des oscillations.

On distingue deux types d’oscillateurs:

  1. les oscillateurs quasi-sinusoïdaux, tels que le signal de sortie soit presque sinusoïdal

  2. les oscillateurs à relaxation, délivrant un signal périodique non sinusoïdal.

Oscillateurs quasi-sinusoïdaux

Structure d’un oscillateur quasi-sinusoïdal

_images/boucle_oscillateur2.svg

Fig. 47 Schéma fonctionnel unifilaire général d’un système bouclé pour l’étude des oscillateurs (utilisation d’un sommateur).

Dans l’étude des oscillateurs quasi-sinusoïdaux, il est usuel de remplacer le soustracteur par un sommateur (voir figure Fig. 47). Dans ce cas, la fonction de transfert en boucle fermée devient:

\[\underline{H}_{\text{FTBF}} = \frac{\underline{s}}{\underline{e}} = \frac{\underline{A}}{1 - \underline{A}\underline{\beta}}\]

Notons alors que le critère de stabilité de Nyquist ne s’intéresse plus au contournement du point \(-1\) mais du point \(+1\).

Pour fabriquer un oscillateur quasi-sinusoïdal, il faut régler les paramètres du système bouclé de telle sorte que sa fonction de transfert en boucle fermée contiennent au moins un pôle complexe imaginaire pur (et son conjugué). En effet, d’après l’équation Eq.21, cela signifie que la réponse impulsionnelle \(S(p)\) contient au moins un terme en \(1/(p^2+\omega_0^2)\) donc présente une réponse sinusoïdale à la pulsation \(\omega_0\). Cette condition sur les paramètres se traduit dans le formalisme de Fourier par la condition suivante.

Propriété 11 (Condition de Barkhausen). Pour qu’un système bouclé soit auto-oscillant (\(s(t)\neq 0\) avec \(e(t)=0\)), il doit exister une pulsation \(\omega_0\) telle que:

\[\boxed{1 - \underline{A}(j\omega_0)\underline{\beta}(j\omega_0) = 0}\]

La propriété ci-dessus n’est valable qu’avec un sommateur dans le système. Avec un soustracteur, la condition de Barkhausen devient \(1 + \underline{A}(j\omega_0)\underline{\beta}(j\omega_0) = 0\). On fait un choix purement conventionnel. Notons que la définition de la fonction de transfert en boucle fermée n’a plus de sens pour un oscillateur en fonctionnement car l’entrée en nulle.

Si cette condition est réalisée pour une unique valeur \(\omega_0\) de \(\omega\), le système oscillera de façon sinusoïdale à \(\omega_0\). Si cette condition est réalisée pour plusieurs valeurs de \(\omega\), le signal de sortie sera une superposition de signaux sinusoïdaux à ces fréquences. On supposera dorénavant qu’il n’y a qu’une seule valeur \(\omega_0\) vérifiant la condition de Barkhausen.

En pratique, on a toujours du mal à obtenir très précisément la condition de Barkhausen, à cause des incertitudes sur les valeurs des composants. C’est pourquoi on n’a pas d’oscillateur exactement sinusoïdal à \(\omega_0\), et on parle d’oscillateur quasi-sinusoïdal à \(\omega_0\). Pour observer un signal périodique en l’absence d’entrée, il faut réaliser la condition de Barkhausen au mieux, mais en se plaçant dans une situation légèrement instable i.e. d’après le critère du revers \(\vert \underline{A}(j\omega)\underline{\beta}(j\omega) \vert \gtrsim 1\). Sinon toute perturbation est amortie et aucune oscillation n’accroche.

Notons que, pour que des oscillations puissent naître à partir d’une perturbation d’entrée, il ne suffit pas que le régime linéaire du système soit instable. Il faut aussi que, une fois parvenu à sa saturation, le système n’y reste pas indéfiniment, et finisse par retrouver le régime linéaire. Alors, il oscille entre saturation haute et basse: le régime saturé doit lui aussi être instable.

Les oscillations se réalisent entre les deux valeurs de saturation. Moins le système reste en régime saturé, i.e. plus il est proche de la réalisation exacte de la condition de Barkhausen, plus le signal se rapproche d’un signal sinusoïdal pur à \(\omega_0\). L’étude exacte est assez complexe, car une fois en régime saturé, il faut écrire la nouvelle équation qui régit le système dans ce régime, et calculer sa durée.

Les oscillateurs quasi-sinusoïdaux peuvent être classés en deux familles:

  1. les oscillateurs à désamortissement, qui associent un résonateur avec un dispositif actif compensant les pertes du système

  2. les oscillateurs à boucle de réaction, qui associent un amplificateur à un filtre.

La distinction entre les deux n’est pas toujours aisée en électronique, mais plus évidente dans les deux exemples ci-dessous.

Oscillateur à désamortissement: horloge à balancier

Oscillateur à boucle de réaction: laser

image

image2

Lors d’une oscillation, la masse se décroche d’une dent mais la forme des échappements est telle qu’en se décrochant la masse donne une petite impulsion à l’ancre pour compenser les pertes du pendule, et stabiliser les oscillations.

A l’intérieur du laser, on réalise un milieu à gain par pompage optique des électrons du milieu dans des états excités qui émettent alors de la lumière, tandis que la longueur de la cavité et la réflectivité des miroirs vont sélectionner une ou quelques fréquences optiques, amplifiées par le milieu à gain.

Oscillateur à désamortissement

Oscillateur à boucle de réaction

_images/oscillateur_AO_RLC_desamortissement.svg
_images/oscillateur_AO_RLC_reaction.svg

Résonateur de pulsation de résonance \(\omega_0 = 1/\sqrt{LC}\) associé à un montage ALI à résistance négative de valeur \(-R_n\); la résistance équivalente aux bornes du circuit LC vaut \(-R_p R_n/(R_p-R_n)\) et les oscillations démarrent si \(R_n < R_p\)

Amplificateur non inverseur de gain \(K=1+R/R_n\) associé à un filtre passe-bande de fréquence de résonance \(\omega_0 = 1/\sqrt{LC}\) et de facteur de qualité \(Q = R_pR/(R+R_p)\times\sqrt{L/C}\).

Étude de l’oscillateur à pont de Wien

On peut retrouver toutes les notions précédentes sur l’oscillateur à pont de Wien présenté figure Fig. 48.
_images/oscillateur_Wien.svg

Fig. 48 Oscillateur à pont de Wien.

Analyse en termes de fonction de transfert: condition de Barkhausen.

  • Filtre:

    \[\underline{\beta} = \frac{\underline{r}}{\underline{s}} = \frac{jRC\omega}{1+3jRC\omega-(RC\omega)^2} = \frac{1/3}{1+jQ\left(\cfrac{\omega}{\omega_0}-\cfrac{\omega_0}{\omega}\right)}\]

    avec \(Q=1/3\) et \(\omega_0 = 1/RC\).

  • Amplificateur:

    \[\underline{s} = -\frac{R_2}{R_1}\underline{e} + \frac{R_2+R_1}{R_1}\underline{r}\]
  • Fonction de transfert:

    \[\underline{H}_{\text{FTBF}} = \frac{\underline{s}}{\underline{e}} = \displaystyle{\cfrac{- \cfrac{R_2}{R_1}}{1- \underline{\beta}\cfrac{R_2+R_1}{R_1}}}\]
  • Condition de Barkhausen:

    \[1- \underline{\beta}\frac{R_2+R_1}{R_1} = 0 \Leftrightarrow \frac{R_1}{R_1+R_2}=\frac{\underline{r}}{\underline{s}} = \frac{jRC\omega}{1+3jRC\omega-(RC\omega)^2}\]
    \[\begin{split}\displaystyle{\Rightarrow \left\lbrace \begin{array}{l} \omega = \omega_0 = 1/RC \\ \cfrac{R_2+R_1}{R_1}=3\ \text{ou}\ R_2=2R_1 \end{array}\right.}\end{split}\]

Analyse en termes de fonction de transfert: condition sur \(\underline{H}_{\text{FTBO}}\).


la fonction de transfert en boucle ouverte de l’oscillateur à pont de Wien s’écrit:
\[\underline{H}_{\text{FTBO}}(j\omega) =\frac{\underline{s}}{\underline{V}_+} = A \underline{\beta} = \left(1+\frac{R_2}{R_1}\right)\frac{jRC\omega}{1+3jRC\omega-(RC\omega)^2}\]

avec \(A = 1 + R_2/R_1\). Dans notre convention (sommateur au lieu de soustracteur), on cherche à ce que la fonction de transfert en boucle ouverte vaille \(+1\) pour avoir un oscillateur. L’étude des diagrammes de Nyquist ou de Bode permet de déduire que cette valeur est atteinte en \(\omega_0\) pour \(A=3\).

Analyse en termes d’équation différentielle :

à partir de \(\underline{H}_{\text{FTBF}}\), on a facilement accès à l’équation différentielle:

\[\frac{d^2 s}{dt^2} + \frac{1}{RC}\left(3-A\right)\frac{ds}{dt}+ \frac{1}{(RC)^2}s =0\]

On retrouve la condition théorique d’oscillation \(\omega=\omega_0=1/RC\) et \(A\geqslant 3\). En pratique, il est très difficile d’obtenir exactement \(R_2=2R_1\). On cherche donc à avoir un coefficient d’amortissement légèrement négatif \(\xi = 3-A \lesssim 0 \Leftrightarrow R_2 \gtrsim 2R_1\).

Inversion des bornes de l’ALI :

si l’on réalise le même montage en inversant simplement les bornes \(+\) et \(-\) de l’ALI, la sortie de l’ALI est toujours saturée, indépendamment du rapport \(R_2/R_1\). Le régime saturé devient stable et en pratique on observe aléatoirement \(s=+V_{\mathrm{sat}}\) ou \(-V_{\mathrm{sat}}\), constante.

Dans ce qui précède, on a implicitement supposé l’ALI idéal en écrivant \(V_+=V_-\). Pour comprendre ce qu’il se passe si l’on inverse les bornes de l’ALI, donc si l’on change fictivement le signe de \(\mu_0\), il ne faut pas garder ce modèle mais par exemple prendre le modèle ALI du premier ordre fondamental. Le problème est uniquement mathématique, car l’on aboutit à une équation différentielle du système du 3e ordre (ordre 2 du pont de Wien plus ordre 1 du modèle de l’ALI). En utilisant les critères mathématiques de stabilité, on constaterait que le système ne peut pas fonctionner en régime linéaire, quel que soit \(R_2/R_1\) avec \(\mu_0<0\). Avec \(\mu_0<0\), on est dans le cas d’un système dont le régime linéaire est instable et dont le régime saturé est stable.

Diagramme de Nyquist

Diagramme de Bode

_images/nyquist_wien.svg
_images/bode_wien.svg

Le lieu de Nyquist passe à gauche du point \(+1\) tant que \(A/3 < 1\). Dès que le gain \(A\) vérifier \(A\geqslant 3\), le système devient installe et les oscillations démarrent.

Pour \(A=3\), on a exactement \(20\log(\vert\underline{H}_{\text{FTBO}}(j\omega)\vert)=0\,\mathrm{dB}\) et \(\mathrm{Arg}(\vert\underline{H}_{\text{FTBO}}(j\omega)\vert)=0\), le système est instable.

Oscillateur à quartz

Tableau 19 Gauche : quartz de montre sans son boîtier (source: Wikipedia). Centre : symbole et circuit équivalent d’un quartz. Droite : allure du diagramme de Bode d’un quartz
_images/quartz.JPG
_images/modele_quartz.svg
_images/bode_quartz.svg

Le quartz est un cristal d’oxyde de silicium. On constate que si l’on applique une différence de potentiel sur deux électrodes fixées au matériau, c’est-à-dire si on place ce dernier dans un champ électrique, il va se déformer. Inversement, s’il est soumis à des efforts mécaniques, une différence de potentiel va apparaître à ses bornes. C’est ce couplage électromécanique qui va donner au composant ces caractéristiques particulières.

Techniquement, le composant se présente sous la forme d’un cylindre métallique, renfermant un diapason dont les deux bras sont en quartz. Sur chaque bras est déposé une électrode permettant d’appliquer une tension extérieure. L’effet piézo-électrique permet de remplacer la sollicitation mécanique du diapason (percussion) par une sollicitation électrique (tension).

Cette structure permet d’obtenir une résonance mécanique pour une fréquence très précise. En effet, la rigidité du quartz, en confinant l’énergie acoustique dans les bras du diapason, va permettre d’atteindre de très forts facteurs de qualité. De plus, le diapason est placé sous vide afin d’éviter toute interaction visqueuse avec un gaz, ce qui permet d’augmenter le facteur de qualité.

Électriquement, le quartz est un dipôle qui peut être représenté par le schéma électrique équivalent de la figure Tableau 19. C’est la résonance mécanique qui va donner à l’impédance du dipôle les propriétés qui correspondent au schéma. La capacité \(C_p\) représente physiquement le condensateur réalisé par les deux électrodes séparées par un isolant électrique. En revanche, les éléments \(r\), \(L\) et \(C\) sont des éléments motionnels qui permettent de modéliser le couplage électromécaniques dans le matériau. Des valeurs typiques pour ce modèle sont \(C_s = 0.1\,\femto\farad\), \(C_p=10\,\pico\farad\), \(L=10\,\henry\) et \(r_q=1\,\kilo\ohm\).

Le diagramme de Bode correspondant à l’impédance du quartz est représenté figure Tableau 19. On note que la phase est négative pour la plupart des fréquences, sauf entre deux fréquences correspondant à la résonance série \(LC_s\omega_s^2=1\) et à la résonance parallèle \(LC'\omega_p^2=1\) avec \(C' = C_sC_p/(C_s+C_p)\). Ces deux fréquences sont très proches. Sur la plage étroite, le composant sera plutôt inductif, ailleurs capacitif.

Inséré dans un système bouclé avec un amplificateur linéaire, ce composant permet de créer un système auto-oscillant avec un facteur de qualité très élevé et donc une bonne stabilité en fréquence. La température a en revanche une incidence notable sur la caractéristique de l’oscillateur. A plus long terme, le vieillissement va lui aussi faire dériver lentement la fréquence de l’oscillateur.

Note

Stabilité en fréquence

La stabilité en fréquence caractérise les possibles variations de fréquence d’un oscillateur quasi-sinusoïdal. Pour un signal de sortie \(s(t)=S\cos(\varphi(t))\) avec \(\varphi(t)\) la phase instantanée, on définit la fréquence instantanée par:
\[f = \frac{1}{2\pi} \frac{d\varphi}{dt}\]

La stabilité en fréquence est définie expérimentalement par \(\sigma = \delta f / f_0\)\(\delta f\) est l’amplitude de variation de la fréquence instantanée observée pour le système, ou analytiquement pour un signal quasi-sinusoïdal par:

\[\frac{\delta \varphi}{\sigma} = \omega_0 \frac{\mathrm{d}\varphi(\omega)}{\mathrm{d}\omega}\]

Elle s’exprime en général en parties par million (p.p.m.): \(1\,\)p.p.m. correspondant à une variation relative de \(10^{-6}\) mais quand même à \(13\,\second/\)an ! Les montres ont une exigence de 1 p.p.m., mais pour un satellite de télécommunication (impossible à réparer ou régler une fois lancé dans l’espace), l’exigence doit être bien supérieure.

Pour un oscillateur basé sur un filtre passe-bande, la stabilité en fréquence est inversement inversement proportionnelle au facteur de qualité \(Q\):
\[\sigma \approx \frac{\delta \varphi}{2Q}\]

Avec \(Q=1/3\), la stabilité en fréquence d’un oscillateur à pont de Wien est de l’ordre de \(1000\,\)p.p.m. pour des fluctuations de phase de l’ordre du milliradian (le bruit de phase étant dû à l’agitation thermique dans le système), ce qui est énorme. En pratique cet oscillateur n’est plus utilisé, on préfère des oscillateurs à quartz dont le facteur de qualité est plutôt de l’ordre \(Q\approx10^4\).

On peut mesurer en TP la stabilité de l’oscillateur à pont de Wien. En utilisant un mode persistant à l’oscilloscope, placer le zéro des temps à gauche de la fenêtre, utiliser un trigger externe, et observer la dispersion dessinée par le signal sinusoïdal à droite de l’écran (sur une plage de temps suffisamment large). En mesurant la largeur de la trace laissée par le signal, il est possible de remonter à la stabilité en fréquence.

Oscillateurs à relaxation

Définition

Un oscillateur à relaxation (ou montage astable) est un générateur autonome qui délivre une tension périodique non sinuoïdale. Nous nous limitons ici aux montages astables délivrant une tension périodique de forme rectangulaire. Ils évoluent donc naturellement entre deux états instables.

Une telle situation ne se trouve pas qu’en électronique: citons par exemple le cas du siphon ou de l’extracteur de Soxhlet en chimie. Elle se réalise facilement en électronique en bouclant un comparateur à hystérésis sur un intégrateur (ou un pseudo-intégrateur).

Exemple du multivibrateur astable

Tableau 20 Gauche : montage multivibrateur astable. Droite : schéma bloc fonctionnel équivalent.
_images/astable.svg
_images/boucle_astable.svg

Il existe un grand nombre de structures de circuits astables. Nous allons raisonner sur le cas particulier du multivibrateur astable (figure Tableau 20). Dans ce montage, on ne parle plus d’oscillateur quasi-sinusoïdal car l’élément de retour n’est pas sélectif ce qui signifie que les formes d’ondes mises en jeux restent très distordues. Pour étudier la stabilité du régime linéaire, on va utiliser le modèle de l’ALI d’ordre 0: \(s=\mu_0 (V_+-V_-)\) (le modèle du premier ordre n’apporte rien à la compréhension du système si ce n’est des calculs).

_images/astable_courbes.svg

Fig. 49 Evolution temporelle des tensions \(u_c(t)\) et \(s(t)\) du multivibrateur astable, en régime périodique.

L’ALI réalise la comparaison entre la tension de sortie du filtre passe-bas \(u_c\) et la tension de sortie du diviseur de tension \(u = R_1/(R_1+R_2)s\). Tant que \(s=V_{\mathrm{sat}}\), le condensateur se charge, \(u_c\) augmente jusqu’à la valeur \(u_0 = R_1/(R_1+R_2)V_{\mathrm{sat}}\): l’ALI bascule alors en saturation basse. Lorsque \(s=-V_{\mathrm{sat}}\), le condensateur se décharge, \(u_c\) diminue jusqu’à dépasser la valeur \(-u_0\): l’ALI bascule en saturation haute. Le régime est donc périodique après un régime transitoire. La période \(T\) des oscillations est:

(22)\[T = 2RC\ln\left(\frac{V_{\mathrm{sat}}+u_0}{V_{\mathrm{sat}}-u_0}\right)\]

Étude sur la fonction de transfert :

la fonction de transfert en boucle fermée du système peut se déduire du schéma bloc représenté figure Tableau 20:

\[\begin{split}\begin{aligned} \underline{H}_{\text{FTBF}}(j\omega)& = \frac{\underline{s}}{\underline{e}} = \frac{\mu_0}{1+\mu_0\left(\cfrac{1}{1+jRC\omega}-\cfrac{R_1}{R_1+R_2}\right)} \\ \notag & = \frac{\mu_0(1+jRC\omega)}{1+\mu_0\left(1-\cfrac{R_1}{R_1+R_2}\right)+jRC\omega\left(1-\mu_0\cfrac{R_1}{R_1+R_2}\right)}\end{aligned}\end{split}\]

L’étude du dénominateur de la fonction de transfert nous montre qu’on a un pôle réel et positif en supposant \(\mu_0 \gg 1\):

\[p_0 = \frac{R_2}{R_1}\frac{1}{RC}>0\]

Le système bouclé est donc bien instable.

Étude sur l’équation différentielle :

\[\begin{split}\begin{aligned} s = \mu_0(V_+-V_-) = Ri + q/C \\ V_+ = \frac{R_1}{R_1+R_2}s, \qquad V_- = u_c = q/C\end{aligned}\end{split}\]

En combinant ces quatre équations, on obtient l’équation différentielle suivante:

\[\left(1-\mu_0 \frac{R_1}{R_1+R_2}\right)\frac{ds}{dt} + \left( \frac{1}{RC}+ \mu_0 \frac{R_2}{R_1+R_2}\frac{1}{RC}\right)s = 0\]

Comme \(\mu_0\gg R_1/(R_1+R_2)\), on a une constante de temps \(\tau<0\) donc un régime instable. La sortie est toujours saturée car les régimes transitoires sont même extrêmement courts (\(\vert\tau/RC\vert \gg 1\)).

Note

Quelques mots sur les oscillateurs

Dans ce chapitre, nous avons décrit le principe général des oscillateurs électroniques et leurs réalisations avec des composants de base. Néanmoins, les oscillateurs ne doivent pas être vus comme des curiosités de travaux pratiques. Ce sont des éléments cruciaux dans les systèmes électroniques de notre quotidien, puisqu’ils assurent la production et la stabilité en fréquence des signaux alternatifs nécessaires à leur fonctionnement comme: la fréquence de la porteuse d’un émetteur, la fréquence de l’oscillateur local de réception dans le récepteur, le signal d’horloge de tous les systèmes numériques (ex: cadencement des opérations sur une carte mère d’ordinateur, oscilloscope, GBF) etc. Dans les équipements actuels, les oscillateurs se présentent sous deux formes : intégré dans une puce électronique en compagnie d’autres fonctions, ou comme composant indépendant.
Pour assurer la stabilité en fréquence, le gain de boucle d’un oscillateur quasi-sinusoïdal doit être le plus proche possible de 1, afin de ne pas produire un signal trop écrêté et donc riche en harmoniques et instable en fréquence. C’est pourquoi des boucles à rétro-actions contrôlant le gain et donc la stabilité en amplitude sont rajoutés aux oscillateurs. C’est le cas de l’oscillateur HP200A, oscillateur à pont de Wien stabilisé en amplitude par une ampoule à filament, étudié en thèse de master par Bill Hewlett et fabriqué par David Packard (premier produit commercialisé par HP en 1939, en particulier pour la sortie de Fantasia de Walt Disney).

image3 image4

Oscillateur HP200A: à l’intérieur on reconnait au centre des condensateurs variables, en haut droite une ampule à filament (dont la résistance augmente avec la température), des ampoules à vide pour l’amplification, un transformateur en bas à droite.

Ainsi, selon les fréquences et la stabilité recherchées, différents résonateurs et circuits existent (voir https://www.les-electroniciens.com/sites/default/files/cours/oscillateurs.pdf): oscillateurs de Hartley, Collpits, à résistance négative, à quartz, en céramique, etc. Dans un ordinateur, on trouve ainsi plusieurs horloges, de gammes de fréquence différentes, avec par exemple un oscillateur contrôlé en tension dans le processeur, asservi par une boucle à verrouillage de phase sur l’oscillateur de la carte mère (quitte à réaliser des multiplication ou division de fréquence).

Exercices (quelques solutions en annexe)

  1. Étudier l’oscillateur à résistance négative présenté section Structure d’un oscillateur quasi-sinusoïdal: retrouver les conditions d’oscillations du système.

  2. Étudier le comportement du comparateur à hystérésis.

  3. Démontrer la formule Eq.22.

  4. Écrire la fonction de transfert en boucle fermée d’un filtre passe-bas d’ordre 2 avec une boucle de retour de gain \(K_d\) et un sommateur. Cette situation correspond à un système oscillant en rétroaction positive (balançoire,...), en étudiant le régime temporelle montrer que ce système peut être instable.