Composants semi-conducteurs
L’objectif de ce chapitre est de donner les clés pour comprendre le fonctionnement des composants basés sur des matériaux semi-conducteurs : la diode et le transistor bipolaire. La diode est principalement utilisée pour redresser une tension, et possède une caractéristique courant-tension fortement non linéaire. Le transistor a été inventé en 1946 par Bardeen, Schockley et Brattain (prix Nobel 1956), avec un objectif d’amplification de signal. Il a ensuite été utilisé comme la brique élémentaire des microprocesseurs pour réaliser des calculs. Les applications analogiques et numériques de ce composant sont variées: interrupteur commandé (porte logique), modulation de signaux, amplification de signaux. Mais le transistor est actuellement d’utilisation très limitée à l’agrégation. Seuls le suiveur de puissance et la commutation sont abordés, et éventuellement son utilisation dans le cadre d’un hacheur. Il n’y a pas de leçon faisant appel au transistor.
Les composants électroniques à base de semi-conducteurs à l’agreg : des notions liées à ces composants peuvent apparaître dans les épreuves suivantes :
MP39 : Matériaux semi-conducteurs.
MP41 : Production et conversion d’énergie électrique-électrique.
MP44 : Amplification de signaux.
Caractéristiques et modèle d’une diode
Jonction pn à l’équilibre thermodynamique
Une jonction pn est l’association de deux semi-conducteurs accolés, l’un dit "dopé p" et l’autre dit "dopé n". Le dopage d’un matériau consiste à introduire, dans sa matrice, des atomes d’un autre matériau. Ces atomes vont se substituer à certains atomes initiaux et ainsi introduire davantage d’électrons ou de défauts électroniques, des trous. Le dopage sert à modifier l’équilibre entre les électrons (charges négatives) et les trous (charges positives), pour favoriser la conduction électrique par l’un des deux types de porteurs. Les semi-conducteurs dopés n possèdent un excès de charges mobiles négatives tandis que les semi-conducteurs dopés p possèdent un excès de charges mobiles positives. L’électrode métallique reliée à la région dopée p est appelée anode (sens d’entrée du courant en convention récepteur), et l’électrode reliée à la région dopée n est appelée cathode.
Dans la jonction pn, la distribution des électrons et des trous tend à s’homogénéiser par diffusion, créant une zone de déplétion où la concentration en porteurs de charge libres est quasiment nulle. En effet, comme les électrons et les trous se recombinent dans la zone de déplétion, elle est donc pauvre en porteurs de charge mobiles. Mais se faisant le semi-conducteur dopé n se charge positivement car il perd des électrons, alors que le semi-conducteur dopé p se charge négativement. La différence de potentiel ainsi créée contrebalance la diffusion des porteurs de charges. Pour le silicium la différence de potentiel [1] \(V_d\) créée par la diffusion varie typiquement entre \(0.6\,\volt\) et \(0.8\,\volt\) à \(300\,\kelvin\).
La longueur de la zone de déplétion dépend des matériaux et de l’équilibre entre diffusion et force électrostatique (entre \(0.1\) et \(10\,\micro\meter\)).
Jonction pn polarisée
Si on applique une différence de potentiel \(V\) aux bornes de la jonction, on peut modifier la taille de la zone neutre: plus cette zone est courte, plus la résistance de la jonction est faible.
Si l’on applique une tension négative du côté de la région p, on renforce la tension de diffusion qui contrecarre la circulation des porteurs de charge à travers la jonction. La résistance de la jonction est très forte et le courant électrique est donc bloqué.
En appliquant une tension positive du côté de la région p, cette tension attire les électrons minoritaires et laisse un plus grand nombre d’atomes porteurs d’un trou. Dans le même temps, les électrons, côté n, sont poussés par ceux venant du pôle négatif. A la jonction, soit des électrons tombent dans un trou, soit continuent leur course au travers de l’autre semi-conducteur de type p jusqu’à atteindre l’électrode opposée (+). L’intensité du courant varie en exponentielle de la tension.
Les diodes
Propriété 1 (Loi de Schokley). Dans le modèle de la jonction pn, la caractéristique courant-tension d’une diode est donnée par la relation :
avec \(I_S\approx 10^{-14}\,\ampere\) le courant de saturation et \(T\) la température (voir figure *Fig. 63*). Pour \(T=300\,\kelvin\), on a \(V_T=k_B T / e =25.9\,\milli\volt\).
Une diode est un dipôle électronique non-linéaire conçu autour d’une jonction pn. Typiquement, pour une diode simple au silicium, une polarisation directe \(V\approx 0.7\,\volt\) permet un courant \(i\) compris entre 1 et \(10\,\milli\ampere\) environ. D’après la caractéristique courant-tension (figure Fig. 63), on voit que ce type de composant peut servir à redresser un courant alternatif car le composant ne laisse passer un courant notable que lorsqu’elle est polarisée en direct, avec un seuil autour de \(0.7\,\volt\). Sinon elle est bloquante, tel un interrupteur ouvert dans le circuit électronique.
Il existe une multitude de diodes de conceptions et d’usages différents. Nous allons simplement en décrire quelques unes.
Diode Zener :
La diode Zener est plus fortement dopée qu’une diode conventionnelle. L’effet Zener a lieu lorsque, sous l’effet de l’application d’une tension inverse suffisante \(V_Z\), l’augmentation du champ électrique provoque des accélérations telles pour les quelques porteurs de charge présents que ceux-ci ionisent directement le matériau par collisions : c’est l’effet avalanche. La libération d’un grand nombre de paires électron-trou par ionisation augmente la densité des porteurs libres, ce qui entraine une augmentation rapide du courant alors que la tension varie peu. La tension \(V_Z\) est aussi appelée tension de claquage. Le claquage est réversible et non-destructif tant que la puissance dissipée \(V_Z\times i\) est inférieure à la limite renseignée par le constructeur (maximum \(i\approx 10\,\milli\ampere\)).
La caractéristique d’une diode Zener est représentée figure Fig. 64. On reconnaît que pour des tensions \(V<V_Z\) on a la caractéristique d’un générateur de tension quasi-idéal car on obtient une tension à ses bornes qui dépend très peu du courant appelé.
Thermistance :
La caractéristique courant-tension d’une jonction pn dépend de la température de façon exponentielle. Dans le cas d’une diode au silicium, sur une plage importante de température et à courant \(i\) maintenu constant, la tension \(V\) décroit approximativement linéairement de \(2\,\milli\volt\) par degré Celsius (voir figure Fig. 65). Ceci permet d’utiliser une diode pour mesurer une variation de température.
Diode électroluminescente :
Dans une jonction pn, la recombinaison d’un électron avec un trou peut s’accompagner d’émission d’un photon. Pour émettre de la lumière, la jonction doit donc être polarisée en direct pour favoriser ces recombinaisons. La couleur de la lumière émise va dépendre des matériaux choisis, mais aujourd’hui les LEDs couvrent l’ensemble du spectre allant de l’infrarouge au bleu. Le 7 octobre 2014, Shuji Nakamura, Isamu Akasaki et Hiroshi Amano ont reçu le prix Nobel de physique pour leurs travaux sur les LED bleues, lesquelles ont permis des progrès majeurs dans la conception des LEDs blanches d’éclairage domestique et des écrans.
Diode laser :
C’est une variante de la diode électroluminescente, capable d’émettre de la lumière cohérente. Le processus d’émission est aussi basé sur la recombinaison électron-trou mais des miroirs semi-réfléchissants en bout de jonction créent une cavité résonnante qui sélectionne une longueur d’onde. Ces sources lumineuses sont largement utilisées dans les télécommunications (car elles sont facilement modulables en intensité), les pointeurs lasers, les lecteurs de CD, etc...
Photodiode :
Si la jonction pn est polarisée en inverse, on bloque le courant. Seul subsiste un très faible courant en sens indirect. En éclairant la jonction avec un flux lumineux \(\Phi\), on crée des paires électron-trou qui vont alimenter le courant en sens indirect de façon sensible. Ce courant supplémentaire est proportionnel au flux lumineux reçu.
Caractéristiques et modèle du transistor bipolaire
Présentation du composant npn
Un transistor est un dispositif semi-conducteur à trois électrodes, appelées collecteur \(C\), base \(B\) et émetteur \(E\), qui permet de contrôler un courant (ou une tension) sur une des trois électrodes via les deux autres (exemples figure Tableau 27). Un transistor bipolaire est un des dispositifs électroniques de la famille des transistors. Son principe de fonctionnement est basé sur l’utilisation de deux jonctions pn, l’une polarisée en direct et l’autre en inverse [2]. La polarisation de la jonction pn inverse permet de réguler, au prix d’un faible courant électrique, un courant beaucoup plus important, en la rendant plus ou moins passante.
Dans un transistor bipolaire, par construction la zone émetteur est fortement dopée n par rapport à la zone collecteur (le dispositif n’est donc pas symétrique: on ne peut pas brancher le transistor à l’envers) et la base est en général très mince et faiblement dopée.
Pour un transistor pnp, les mêmes raisonnements que pour un transistor npn s’appliquent, mais en inversant tous les courants et les signes des tensions.
Note
Historique du transistor
L’invention du transistor à semi-conducteurs a été motivé par la volonté de remplacer les tubes à vide qui ont servi à construire les premiers téléviseurs, postes radiophoniques, ordinateurs, etc.
En particulier, la triode est un élément à trois électrodes composé d’une cathode chauffée directement ou indirectement, d’une anode qui reçoit les électrons arrachés de la cathode, et d’une grille intermédiaire dont le potentiel régule le nombre d’électrons parvenant à l’anode. Ce système est donc un amplificateur de courant, car le signal produit à l’anode est image de celui injecté sur la grille mais avec un courant beaucoup plus intense.
Transistor à fibre de carbone conçu par le Berkeley Lab’s Materials Science Division en 2016.
Note
Autres types de transistors
Principe de fonctionnement du transistor à effet de champ (Source: Wikipedia).
Le transistor à effet de champ permet de contrôler le courant traversant le transistor par un champ électrique (et non plus un courant d’injection dans la base) via une grille isolée par une couche d’oxyde, entre une source et un drain (voir figure ci-dessous). En général, l’électrode du substrat et la source sont reliées entre elles (donc on a toujours 3 pattes au composant), et souvent mises à la masse.
Contrairement au transistor bipolaire, ce transistor présente une impédance d’entrée quasiment infinie. Ce transistor est donc commandé en tension contrairement au transistor bipolaire qui est commandé en courant par le courant de base. Le principal avantage est donc de pouvoir maintenir un état donné sans avoir à fournir de puissance (courant d’entrée nul). Ce composant est surtout utilisé en commutation que ce soit pour l’électronique de puissance ou pour la réalisation de circuits numériques (processeurs, mémoires,...). Il a aussi un meilleur comportement à haute fréquence.
Il existe aussi des transistors hybrides (technologies bipolaires et effet de champ combinées), unijonction, adaptées aux radiofréquences, aux hautes puissances...
L’effet transistor
Nous étudions ici le cas d’un transistor bipolaire du type npn (figures fig:transistor_energie
et Fig. 67) pour lequel les tensions \(V_{BE}\) et \(V_{CE}\), ainsi que le courant entrant à la base, \(I_B\), sont positifs.
Lorsque le transistor n’est pas branché, il est semblable à deux jonctions pn tête-bêche: les électrons des semi-conducteurs dopés n tendent à diffuser dans la base dopée p mais finissent par être retenus par les champs électriques créés dans les zones de déplétion.
Dans une utilisation normale, la diode base-émetteur est polarisée en direct tandis que la diode collecteur-base est polarisée en inverse (donc bloquante). L’abaissement de la barrière de potentiel dans la jonction base-émetteur permet aux électrons de conduction de l’émetteur d’être plus nombreux à diffuser plus loin dans la base. Le fait que l’émetteur est bien plus dopé que le collecteur va garantir que les porteurs de charges iront majoritairement de l’émetteur vers le collecteur une fois la barrière de potentiel abaissée. Or la base étant très mince (\(e < 1\,\micro\meter\)) et peu dopée, beaucoup d’électrons échappent aux recombinaisons et sont nombreux à finir happer et accélérer par le champ électrique de la jonction base-collecteur sans se recombiner avec les trous de la base. L’injection de porteurs de charge minoritaires (trous pour le npn, électrons pour le pnp) dans la base crée un appel d’un grand nombre de porteurs de charge majoritaires depuis l’émetteur (toujours très fortement dopé). Le prix à payer est qu’une partie des électrons ainsi partis de l’émetteur vont se recombiner avec les trous du courant de base \(I_B\), mais la plupart des électrons ainsi attirés dont la base vont finir dans le collecteur. On a alors l’illusion que le faible courant de base pilote le fort courant en sortie de l’émetteur par cet effet d’appel, ou que l’on a réalisé une amplification de courant.
Lorsque la tension collecteur-émetteur est suffisamment positive, la quasi-totalité des électrons émis est collectée, et le courant de collecteur ne dépend pas de cette tension : c’est la zone linéaire car le courant \(I_C\) va dépendre uniquement du courant \(I_B\) (voir ci-après). Dans le cas contraire, les électrons ne sont pas collectés et stationnent dans la base, se recombinent avec les trous du courant de base \(I_B\), et le gain chute ; c’est la zone de saturation.
Équations dans le régime linéaire :
idéalement, presque tout le courant d’électrons issu de l’émetteur se retrouve dans le collecteur :
avec \(\alpha = 1 -\epsilon\) (\(\epsilon \ll 1\)). Le courant des trous circulant de la base vers l’émetteur (ajouté au courant de recombinaison des électrons neutralisés par un trou dans la base) correspond au courant de base \(I_B\). La recombinaison avec des trous venant du courant de base retire une fraction \(\epsilon\) des électrons allant de l’émetteur au collecteur. On peut montrer que ce courant est grossièrement proportionnel au courant de collecteur \(I_C\). En effet la loi des nœuds appliquée au composant donne :
C’est l’effet transistor. Cette proportionnalité donne l’illusion que le courant de base contrôle le courant de collecteur. En fait, le courant \(I_B\) agit comme une pompe qui, en injectant des trous dans la base (pour \(I_B > 0\)), appelle des électrons de la partie émetteur qui sont in fine attrapés par le champ électrique de la jonction base-collecteur. Il faut bien être conscient que cette relation de proportionnalité en apparence simple est le résultat complexe issu du choix d’avoir une base fine et un émetteur très dopé. Pour un modèle de transistor donné, les mécanismes de recombinaison sont technologiquement difficiles à maîtriser et le gain \(\beta=I_C/I_B\) peut seulement être certifié supérieur à une certaine valeur (par exemple 100 ou 1000). Pour les transistors usuels, \(\beta\) est compris entre 100 et 400 mais il y a une forte dispersion parmi les composants issus d’une même fabrication et une forte dépendance avec la température.
Réseau de caractéristiques
Pour caractériser complètement le fonctionnement d’un transistor, il faut déterminer les relations entre 6 grandeurs \(I_E, I_C, I_B, V_{CB}, V_{CE}\) et \(V_{BE}\). Les loi des mailles et loi des nœuds \(V_{CB} + V_{BE} + V_{EC} = 0\) et \(I_B+I_C+I_E=0\) font qu’en fait quatre de ces grandeurs sont indépendantes.
Pour établir des relations quantitatives entre elles, il faut choisir un montage particulier: nous allons étudier le montage en émetteur commun. Dans ce dernier, l’émetteur est reliée à la masse du circuit, et les grandeurs \(V_{CB}\) et \(I_E\) ne sont pas pertinentes à regarder puisque imposées par le reste du circuit [3] (voir figure Fig. 67). Le transistor peut alors être caractérisé via 4 variables: \(I_C, I_B, V_{CE}\) et \(V_{BE}\). En pratique, on a l’habitude d’étudier \(I_B = f(V_{BE})\) à \(V_{CE}\) constant et \(I_C = f(V_{CE})\) à \(I_B\) constant.
Caractéristique \(I_B = f(V_{BE})\) à \(V_{CE}\) constant :
la caractéristique \(I_B = f(V_{BE})\) à \(V_{CE}\) constant est présentée figure Fig. 68 gauche. L’expérience montre qu’elle ne dépend quasiment pas de \(V_{CE}\) si \(V_{CE} \geqslant 1\,\volt\). Dans la zone linéaire, le courant \(I_B\) suit une loi exponentielle caractéristique d’une diode autour de \(V_{BE} \approx 0.6 \,\volt\) car on a ici une jonction pn passante :
avec \(k_B T / e \approx 26\,\milli\volt\) à \(T=300\,\kelvin\). Une très petite variation de la tension induit une grande variation du courant : l’inverse de la pente de la caractéristique donne la résistance d’entrée du transistor seul, non-négligeable et fortement non linéaire.
Caractéristiques \(I_C = f(V_{CE})\) à \(I_B\) constant :
les caractéristiques \(I_C = f(V_{CE})\) à \(I_B\) constant sont présentées figure Fig. 68 droite. Pour \(V_{CE} \geqslant 1\,\volt\), \(I_C\) dépend faiblement de \(V_{CE}\) à \(I_B\) donné. En revanche, on a bien une dépendance linéaire avec \(I_B\).
Lorsque la tension \(V_{CE}\) passe typiquement sous les \(0.6\,\volt\), la tension \(V_{CB} = V_{CE}-V_{BE}\) change de signe et la jonction \(CB\) est polarisée en direct aussi. Le courant circule alors normalement par conduction ohmique et le courant de base \(I_B\) ne pilote plus le courant de collecteur \(I_C\). C’est le régime saturé [4].
Réseau de caractéristiques complet
Le point de fonctionnement d’un transistor est décidé par le circuit dans lequel il est branché. Graphiquement, l’intersection des caractéristiques courant-tension des différents composants entourant le transistor donne ce point, et donc les courants et tensions disponibles. A ces relations on peut ajours celles issues des loi des mailles et loi des nœuds \(V_{CB}=V_{CE}+V_{EB}\) et \(I_E=-I_B-I_C\).
Note
Modèle de Elbers-Moll
Les équations modélisant le mieux le fonctionnement d’un transistor bipolaire sont celles données par le modèle de Elbers-Moll, qui assimile le transistor à deux diodes tête-bêche associées à deux générateurs de courant en parallèle:
La résolution de ces équations redonne le réseau de caractéristiques de la figure fig:npn_reseau
avec l’addition de la loi des mailles \(V_{CB}=V_{CE}+V_{EB}\).
Régimes de fonctionnement d’un transistor bipolaire
Propriété 2 (Les trois régimes du transistor). Selon le courant de base \(I_B\), le transistor monté en émetteur commun sous une tension \(U_+\) possède alors trois régimes de fonctionnement (voir figure *Fig. 70*):
*transistor bloqué: \(I_B = 0 \Rightarrow I_C = 0\), \(CE\) se comporte comme un interrupteur ouvert car \(V_{CE}=U_+\);
*régime d’amplification linéaire: \(I_C = \beta I_B\);
*transistor saturé: \(I_C \approx I_C^{\text{max}} < \beta I_B\), \(CE\) se comporte comme un quasi court-circuit car \(V_{CE}\approx 0\,\volt\).
Le régime de fonctionnement bloqué correspond au cas où \(I_B=0\), puisqu’alors \(V_{BE}<0\) et la jonction émetteur-base est polarisée en inverse (bloquante). Le régime de fonctionnement saturé correspond au cas où \(I_B\) n’a plus aucune influence sur le fonctionnement du transistor et celui-ci se comporte comme une résistance de faible valeur (chute de tension \(< 1\,\volt\)). Entre ces deux régimes, le courant de base \(I_B\) pilote proportionnellement le courant au collecteur \(I_C\). Dans les trois cas, le fonctionnement du transistor bipolaire est décidé par le circuit électrique dans lequel il est introduit [5].
Applications de puissance
Notion d’amplification
Que veut dire en général amplification? La notion d’amplification suppose usuellement un gain de puissance entre le signal d’entrée et le signal de sortie. Un amplificateur est donc un quadripôle actif possédant une source d’énergie extérieure. Contre-exemple: un transformateur élévateur de tension n’est pas un amplificateur.
Qu’est-ce qu’un bon amplificateur? Il doit posséder en premier lieu un bon rendement et ses composants doivent supporter la chaleur générée par effet Joule. Un amplificateur audio de puissance reçoit généralement à son entrée un signal de faible amplitude (inférieur à \(1\,\volt\)) et de faible puissance et doit délivrer à sa sortie un signal de forte puissance (généralement entre \(10\,\watt\) et \(100\,\watt\)) dans une charge dont l’impédance est relativement faible (l’impédance nominale typique d’un haut-parleur est de \(4\,\ohm\) à \(16\,\ohm\)). L’étage de sortie doit donc produire un signal dont la tension et le courant ont des amplitudes élevées. En principe, il est souhaitable que le gain en tension de l’étage de sortie soit indépendant de l’impédance de la charge, ce qui lui permet de s’adapter à des haut-parleurs de différentes impédances sans modifier l’amplitude de la tension de sortie et donc sans provoquer de saturation ou de distorsion inacceptable. Pour satisfaire cette condition, il faut une configuration présentant une impédance de sortie \(\underline{Z}_s\) très faible. En revanche, l’impédance d’entrée \(\underline{Z}_e\) doit être élevée car le signal d’entrée ne possédant pas un courant élevé on veut une image de la tension à amplifier la plus claire possible.
Pour avoir un bon amplificateur, il faut aussi que le système délivre un signal aussi fidèle que possible au signal d’entrée. Un bon amplificateur doit surmonter les problèmes de distorsion d’amplitude et harmonique, et éviter d’ajouter du bruit thermique ou du bruit de grenaille au signal amplifié.
Un AO est-il un bon amplificateur de puissance? Son impédance de sortie est bien entendue faible, mais le courant de sortie est limité à \(10\,\milli\ampere\). La puissance maximale délivrable par un tel composant est donc d’environ \(15\,\volt\times 10\,\milli\ampere = 0.15\,\watt\) pour des signaux continus... ce qui est très peu ! Le problème de l’amplification de signal peut très bien être illustré par la problématique de l’amplification d’une voix. Un micro d’impédance élevée ne peut pas faire fonctionner directement un haut-parleur d’impédance faible, même avec un simple AO (essayez en TP). Une chaîne d’amplification complète doit donc être insérée entre les deux (voir figure 11).
Montages amplificateurs avec transistor bipolaire
Un transistor bipolaire peut être utilisé comme amplificateur de trois manières différentes. En effet, il est considéré comme un quadripôle si une électrode est commune à l’entrée et à la sortie et donc à potentiel fixé (par la masse ou un générateur de tension). Il existe donc trois façons de le considérer:
émetteur commun, utilisé en amplification,
collecteur commun, utilisé en adaptation d’impédance,
base commune.
et dans chacun des cas l’entrée et la sortie sont les deux électrodes dont le potentiel n’est pas fixé.
Dans le montage en émetteur commun, un courant est envoyé dans la base, commande le courant qui circule dans le collecteur et détermine des variations de tension aux bornes de la résistance de collecteur \(R_C\) et produit une tension de sortie \(V_{\text{out}}\) qui est une image amplifiée négativement du signal d’entrée [6].
Le montage en collecteur commun est appelé également émetteur suiveur. Dans ce montage, la tension de l’émetteur suit la tension de la base à \(0.6\,\volt\) près de façon à permettre au courant de base de piloter un courant plus important du collecteur vers l’émetteur. C’est un amplificateur de courant et un abaisseur d’impédance.
Le montage en base commune est plus rare et ne sera pas étudié dans ce cours.
Principe d’un suiveur de puissance
Le dispositif présenté figure Fig. 75, un montage en collecteur commun, est plus précisément un suiveur de tension permettant l’amplification de puissance. La tension de sortie est l’image de la tension d’entrée \(V_e\) à un décalage près de \(0.6\,\volt\) :
Le domaine linéaire est limité par deux conditions:
\(V_{CE} = U_+ - V_s \geqslant 1\,\volt\) donc \(V_e \lesssim U_+\),
\(I_E > 0\) pour que la jonction base-émetteur soit passante donc \(V_s = R_u I_E > O\) donc \(V_e >0.6\,\volt\).
Le domaine d’amplification linéaire est donc \(V_e \in [0.6\,\volt, U_+]\). La sortie \(V_s\) est sensiblement identique à la tension d’entrée \(V_e\) mais le débit en courant est en revanche potentiellement bien plus important, \(I_E\approx I_C = \beta I_B\) et adapté à la charge \(R_u\). On a donc réalisé une amplification de puissance par amplification du courant. Une étude plus détaillée de ce circuit (et plus généralement des montages à émetteur commun) montre bien que ce circuit possède une impédance d’entrée élevée et une impédance de sortie faible.
Application à l’étage de puissance d’une alimentation stabilisée
L’objectif d’une alimentation stabilisée est de fournir toujours la même différence de potentiel quel que soit l’appel de courant créé par la charge qui y est branchée.
Ici la tension stabilisée est réalisée par une diode Zener, dont la caractéristique est de fournir une tension quasi-constante quelle que soit le courant qui la traverse lorsqu’elle est polarisée en inverse. Cependant elle ne peut fournir un courant important sous peine d’être détruite. Il faut donc lui adjoindre un étage de puissance, tel que présenté figure Fig. 76.
En faisant varier \(R_u\) et en mesurant la tension à ses bornes, on obtient typiquement la caractéristique figure Fig. 76 dont la pente moyenne (\(\approx 0.1\,\ohm\)) donne la résistance de sortie moyenne de l’alimentation stabilisée. Notez que la puissance dissipée dans le transistor vaut environ \(10\,\watt\) puisque la tension \(V_{CE}\) vaut \(U_+-V_u=10.6\,\volt\) et le courant \(9.4/10 \approx 1\,\ampere\). Cette puissance détruirait presque instantanément un transistor ordinaire qui ne peut supporter que \(0.5\,\watt\) au maximum. Il faut utiliser un transistor de puissance accolé à un radiateur.
Amplificateur Push-Pull
L’objectif est de réaliser un suiveur de puissance pour signal alternatif, et qui possède un bon rendement.
Montage Push
Le montage Push est un suiveur de puissance adapté à la partie positive du signal d’entrée alternatif. La tension de sortie \(V_s\) est l’image de la partie positive de la tension d’entrée \(V_e\) mais avec un décalage de \(0.6\,\volt\). Un transistor bipolaire npn est utilisé.
Montage Pull
Le montage Pull est un suiveur de puissance adapté à la partie négative du signal d’entrée alternatif. Un transistor bipolaire pnp est utilisé.
Montage Push-Pull
Le montage Push-Pull constitue un suiveur de puissance pour le signal alternatif complet. En revanche, le décalage de \(0.6\,\volt\) crée une distorsion dans le signal de sortie. Si le signal d’entrée vient d’un microphone, le son en sortie de ce montage n’est donc pas fidèle au son original: il faut envisager une correction à ce montage (voir Duffait).
Calcul du rendement maximum \(\eta_{\mathrm{max}}\) de l’amplificateur Push-Pull
Le rendement de l’amplificateur Push-Pull est défini par:
Le rendement maximum est obtenu pour \(V_s^{\text{crête}} \approx U_+\) (limite de l’écrêtage en sortie, ce qui correspond au cas étudié en TP). Pour calculer ce rendement maximum, il suffit d’étudier une demie période, ici l’alternance positive, pendant laquelle seul le transistor npn est passant [7]:
La moyenne étant prise sur une demie période, on a:
D’où le rendement maximum:
Le rendement maximum du montage Push-Pull est donc excellent ! Dans un amplificateur de puissance le rendement est un élément important: songer au cas d’un amplificateur de chaîne HI-FI qui pour fournir \(100\,\watt\) acoustique dissiperait \(1000\,\watt\) sous forme de chaleur si le rendement n’était que de \(10\%\). Plus généralement, si on ne travaille pas à la limite de l’écrêtage, le rendement en régime sinusoïdal devient:
Pour mesurer le rendement du montage expérimentalement, il faut faire la mesure sur une période. \(V_s^{\text{eff}}\) est mesuré par un voltmètre alternatif RMS branché sur \(R_u\), \(\langle I_{\text{alim}+}\rangle\) et \(\langle I_{\text{alim}-}\rangle\) sont mesurés avec des ampèremètres en mode continu branchés en série sur les deux alimentations.
Le transistor en commutation
Le transistor peut-être utilisé dans un régime binaire entre ses états bloqué et saturé. Cette utilisation non-linéaire du transistor est très importante: circuits intégrés, ordinateurs, alimentations à découpage, les hacheurs...
Transistor en régime saturé
Le principe de fonctionnement du transistor en commutation peut être discuté à partir de la figure Fig. 80. La saturation commence lorsque \(I_B > I_C / \beta\) et \(V_{CE} < V_{BE}\approx 0.6\,\volt\), mais en pratique on se place dans le cas où \(I_B \gg I_C / \beta\). Or on a :
Donc il faut \(R_B < \beta R_C\) pour atteindre le régime saturé. Puisque \(\beta \gtrsim 100\), en pratique on prend usuellement \(R_B \approx 10 R_C\) pour en pas avoir des résistances trop petites. Encore une fois, ce sont les choix des valeurs de \(R_B\) et \(R_C\) qui déterminent le régime de fonctionnement du transistor. En résumé, entre \(C\) et \(E\), le transistor se comporte comme un interrupteur commandé par le courant \(I_B\):
cas bloqué: \(I_B = 0 \Rightarrow I_C = 0\), \(CE\) se comporte comme un interrupteur ouvert donc \(V_{CE} = U_+\)
cas saturé: quand \(I_B\) est suffisamment grand, \(CE\) se comporte comme un quasi court-circuit donc \(V_{CE} \approx 0\,\volt\)
Dans ce dispositif, la puissance perdue est très faible car les différences de potentiel sont petites, sauf lors des transitions que l’on veut les plus courtes possibles pour faire des opérations logiques les plus rapides possibles.
Portes logiques à transistors
L’utilisation du régime saturé d’un transistor par un choix adéquat de la résistance branchée à la base permet de générer des états logiques en différent points du circuit (potentiel nul, potentiel non nul). On devine donc que l’association de transistors peut permettre de créer physiquement des fonctions logiques (ou portes logiques) : opérateurs ET, OU, NON-ET, NON-OU, OU-exclusif (XOR), etc. Ces fonctions logiques peuvent être à une ou plusieurs entrées, et y associe une valeur de sortie en suivant une table de vérité. A titre d’illustration, nous allons étudier comment en réaliser certaines avec les transistors étudiés.
Porte NON :
la table de vérité de la fonction logique NON est présentée table tab:logique_NON
. Sa représentation symbolique et sa réalisation avec des transistors sont données figure Fig. 81
Entrée |
Sortie |
A |
S = NON A |
0 |
1 |
1 |
0 |
Le circuit étudié figure Fig. 80 peut directement être utilisé pour réaliser la fonction logique NON. L’interrupteur joue le rôle d’entrée de la fonction : 1 si l’interrupteur alimente le base du transistor, 0 sinon. La sortie est matérialisée par une LED branchée au collecteur : 1 si la LED est allumée (\(V_C \gtrsim 0.6\,\volt\)), 0 sinon.
Étudions son fonctionnement. Tout d’abord, on a aux bornes de la LED on a \(V_C = V_{CE} = U_+ - R_C I\). Si l’interrupteur est en position 0, le transistor est bloqué car \(I_B = 0\) donc \(I_C=0\). Si \(R_C\) n’a pas été choisie très grande, alors \(I\) est raisonnable et la différence de potentiel aux bornes de la LED est supérieure à sa tension de seuil d’environ \(0.6\,\volt\) donc le courant passe : la LED s’allume et la sortie vaut 1. A l’inverse, si l’interrupteur est en position 1, le transistor est passant et en régime saturé donc \(V_{CE} < 0.6\,\volt\). Alors le potentiel \(V_C\) est inférieur à la tension de seuil de la LED : la LED reste éteinte et la sortie vaut 0.
Porte ET :
la table de vérité de la fonction logique ET est présentée table tab:logique_ET
. Sa représentation symbolique et sa réalisation avec des transistors sont données figure Fig. 82
Entrée 1 |
Entrée 2 |
Sortie |
A |
B |
S = A ET B |
0 |
0 |
0 |
0 |
1 |
0 |
1 |
0 |
0 |
1 |
1 |
1 |
Si les deux interrupteurs sont en position 1, les deux transistors sont passants et occasionne une faible chute de tension. Donc le potentiel en S est de l’ordre de \(U_+\). La différence de potentiel aux bornes de la LED est supérieure à sa tension de seuil et elle s’allume. Au contraire, si l’un des interrupteurs est ouvert, un des transistors est bloquant. Aucun courant ne circule dans la LED qui reste éteinte.
Porte NON-ET :
la table de vérité de la fonction logique NON-ET est présentée table tab:logique_NONET
. Sa représentation symbolique et sa réalisation avec des transistors sont données figure Fig. 83
Entrée 1 |
Entrée 2 |
Sortie |
A |
B |
S = A NON-ET B |
0 |
0 |
1 |
0 |
1 |
1 |
1 |
0 |
1 |
1 |
1 |
0 |
Le comportement est inversé par rapport à la porte ET, juste en déplaçant la résistance côté collecteur et en regardant la sortie côté collecteur aussi.
Porte OU :
la table de vérité de la fonction logique OU est présentée table tab:logique_OU
. Sa représentation symbolique et sa réalisation avec des transistors sont données figure Fig. 84
Entrée 1 |
Entrée 2 |
Sortie |
A |
B |
S = A OU B |
0 |
0 |
0 |
0 |
1 |
1 |
1 |
0 |
1 |
1 |
1 |
1 |
Oscillateur astable à portes logiques
L’oscillateur astable avec amplificateur linéaire intégré a été étudié au chapitre Exemple du multivibrateur astable. Dans cet oscillateur, une forme d’onde carrée périodique est générée à la sortie de l’ALI, selon le signe de la différence de potentiel à son entrée \(\epsilon\). Un circuit \(RC\) sert à régler la période du signal. On remarque que cet oscillateur produit une fonction à deux états, par comparaison de deux potentiels électriques. Il est donc possible de remplacer l’ALI par des portes logiques pour réaliser le même signal périodique.
Une proposition de montage est représentée figure Fig. 85. Deux portes logiques NON sont associées à un circuit \(RC\). La résistance \(R'\) augmente la résistance d’entrée de la seconde porte. Si elle est grande devant la valeur de \(R\), alors la période des oscillations est fixée par le produit \(RC\) uniquement. Attention, aucun des points du circuit ne doit être relié à la masse.
On note \(U_+\) le potentiel électrique de l’état haut. La tension aux bornes du condensateur \(u_c(t) = V_{S1}(t) - V_A(t)\) est donnée par l’équation différentielle :
Phase 0:
démarrons l’étude à l’instant \(t_0=0^+\) avec la porte 2 dans l’état bas et supposons le condensateur déchargé donc on a \(V_A = V_{S1} = U_+ > V_{S2}=0\) donc l’entrée de la porte 1 est bien haute. Par conséquent, Le condensateur se charge puisque \(V_{S1} - V_{S2} = U_+>0\). Comme \(V_{S1}\) est imposé par la porte 1, \(V_A\) diminue.
Phase 1:
lorsque le potentiel \(V_A\) devient inférieur à \(U_+/2\) à un instant \(t_1\), la porte 2 NON bascule en état haut \(V_{S2} = U_+\) et donc la porte 1 passe à l’état bas \(V_{S1}=0\). La charge étant une grandeur continue, la tension aux bornes du condensateur reste inchangée : \(u_c(t_1^+) = u_c(t_1^-) = U_+/2\). Par conséquent, le potentiel \(V_A\) bascule à \(-U_+/2\), et le condensateur se décharge car \(V_{S1} - V_{S2} = -U_+ < 0\). Donc \(u_c(t)\) diminue mais \(V_{S1}\) est imposé, donc c’est \(V_A\) qui augmente.
Phase 2:
lorsque le potentiel \(V_A\) dépasse \(U_+/2\) à un instant \(t_2\), toutes les portes basculent de nouveau. La charge étant une grandeur continue, la tension aux bornes du condensateur reste inchangée : \(u_c(t_2^+) = u_c(t_2^-) = -U_+/2\). Puis le condensateur se charge de nouveau jusqu’à atteindre la tension \(U_+/2\), entrainant un nouveau basculement des portes. On retourne en phase 1.
L’oscillateur est ainsi lancé, et la période des oscillations est rythmée par le condensateur se chargeant et se déchargeant entre les tensions \(U_+/2\) et \(-U_+/2\). La période des oscillations \(\tau\) est alors :
Exercices
Démontrer la formule
eq:T_astable
pour en déduire la formule Eq.26.Tracer les évolutions temporelles de \(V_A\), \(u_c(t)\) et \(V_{S1}\) pour l’oscillateur astable à portes logiques NON.